« Si des rivières de lait et de miel ne coulent pas encore dans notre beau pays, c’est parce que nous nous sommes consacrés jusqu’à nos dernières ressources à la cause de la démocratie, qui est aujourd’hui tellement bien ancrée dans le sol pakistanais que personne ne pourra nous la reprendre demain… »
Ainsi parlait le 17 mars dernier le Premier ministre pakistanais sortant Raja Pervez Ashraf. Fier d’avoir dirigé le premier gouvernement civil à terminer son mandat, il faisait le bilan de son quinquennat historique, avant de transmettre les rênes du pouvoir à une administration intérimaire chargée d’organiser les élections.
Au moment où le Premier ministre pakistanais faisait ses adieux transmis en direct à la télévision, c’est pourtant la colère qui grondait dans les rues de Karachi et de Lahore, où les gens manifestaient contre la vie chère, la corruption et le quasi effondrement des services publics. « A quoi sert de célébrer la démocratie, quand la corruption et le népotisme tiennent le haut du pavé et que l’économie est au bord de l’asphyxie », s’interrogeaient les manifestants ?
La banqueroute menace
En effet, après cinq ans de gestion par le Parti du peuple pakistanais (PPP), qui avait succédé aux militaires en 2008, l’économie pakistanaise est au bord du gouffre. Les coffres sont vides. Les impôts ne rentrent plus. A peine 1% de la population dans ce pays de 180 millions d’habitants paient des impôts. La banqueroute menace. La réserve de devises étrangères est tombée à son plus bas niveau historique, garantissant à peine deux mois d’importations.
La situation économique du pays est pire que ce dont le gouvernement sortant avait hérité en arrivant au pouvoir il y a cinq ans. Le chômage (7%), l’inflation (12%) et la pauvreté (22% vivant sous le seuil de la pauvreté) se sont aggravés, alors que la production industrielle n’a cessé de s’affaiblir, sous l’effet d’une crise énergétique aiguë, qui fait perdre chaque année deux points de croissance au Pakistan, selon la Banque asiatique de développement.
Les coupures de courant peuvent atteindre 6 000 megawatts, au grand désespoir des chefs d’entreprises, parfois réduits à faire tourner leur usine en brûlant du bois. Dans ces conditions, comment s’étonner que les investissements étrangers se soient taris ?
Même le secteur agricole, qui est le principal pilier de l’économie pakistanaise, contribuant à hauteur de 21,6% du PIB, a vu sa production chuter à cause des inondations pendant deux années successives. On peut dire que le gouvernement a joué de malchance. A l’incompétence et à la corruption en hauts lieux se sont ajoutés la météo défavorable, la crise financière internationale et les attentats terroristes, qui ont fini par saper la confiance des investisseurs.
En attendant Nawaz Sharif
Les élections du 11 mai pourraient-elles changer la donne ? Les milieux d’affaires tablent sur le retour au pouvoir des conservateurs de la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N). Leur direigeant Nawaz Sharif, affublé du titre du « lion du Pendjab », a déjà dirigé le pays à deux reprises (1990-1993 et 1997-1999). Il rêve de revenir au pouvoir pour la troisième fois.
A la tête d’un empire industriel familial, Sharif jouit d’une réputation de bon gestionnaire. Les Pakistanais se souviennent des vastes travaux d’infrastructures que son régime avait lancés. Par ailleurs, la province du Pendjab, qui est gouverné aujourd’hui par un autre frère Sharif, est une région relativement prospère. Sa bonne gestion pourrait servir de modèle à la nouvelle administration fédérale issue des élections.
Selon les observateurs, le chef du PML-N pourrait remporter les législatives et former le prochain gouvernement, soit seul soit à la tête d’une coalition conservatrice. L’arrivée probable de Nawaz Sharif à la primature d'Islamabad est susceptible, aussi, de rassurer les bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque mondiale, Banque asiatique de développement)
Le Pakistan va de nouveau devoir les solliciter pour échapper à une humiliante cessation de paiements. Les pourparlers avec le FMI dans ce sens ont d’ailleurs déjà commencé, avec la bénédiction des Américains qui ne souhaitent pas voir leur principal allié en Asie déstabilisé à la veille du retrait des troupes de l’Otan basées en Afghanistan.