Site intercoréen de Kaesong: les dessous d'une fermeture

Le site industriel intercoréen de Kaesong est fermé depuis que Pyongyang a retiré ses 53 000 ouvriers, début avril. De son côté, Séoul a réagi en évacuant ses ressortissants, dont les derniers sont partis vendredi 3 mai. L’asphyxie du site industriel par le régime de Pyongyang est perçue comme une stratégie pour amplifier les tensions avec la Corée du Sud, mais ce n'est pas forcément la seule raison.

De notre correspondant à Séoul,

Et pourtant, le site de Kaesong marchait très bien. Cent vingt-trois usines y étaient installées et tournaient à plein régime. Le principal problème des entrepreneurs sud-coréens, était de trouver suffisamment d’ouvriers nord-coréens. Avec ses 200 000 habitants, dont 53 000 travaillaient dans le complexe industriel, la ville voisine de Kaesong n’y suffisait plus.

Ce site est le seul endroit au monde où Nord et Sud-Coréens étaient autorisés à se rencontrer et à travailler ensemble, ce qui rendait envisageables des échanges illicites, notamment l’importation au Nord de produits sud-coréens tels que des téléphones portables, ou des clés USB qui contenaient des films et des feuilletons. 

Si les premières années ont été difficiles et caractérisées par une très forte méfiance entre Sud et Nord-Coréens, au fil du temps, les relations humaines se sont améliorées. Des discussions informelles sur les systèmes politiques en vigueur au Nord et au Sud sont devenues possibles. Un état de fait qui inquiétait beaucoup Pyongyang.

Une menace pour les Nord-Coréens

Pour le régime nord-coréen, le site de Kaesong représentait donc une menace car il risquait d’affaiblir son contrôle sur sa population, qu’il maintient coupée du reste du monde. Il avait donc mis en place des mesures drastiques : les 53 000 ouvriers nord-coréens devaient participer tous les matins à des cours d’endoctrinement idéologique, auxquels s’ajoutaient des sessions « d’autocritique » le samedi.

En pratique, il était interdit aux Nord et Sud-Coréens de déjeuner ensemble, ou même d’avoir des discussions autres que strictement professionnelles. Sur le site, étaient présents de nombreux « indics » et une police secrète. Enfin, les salaires étaient versés directement au régime, lequel en redistribuait une petite partie à ses ouvriers.

Discussions au point mort

La construction du site de Kaesong est le fruit de la politique de détente des progressistes sud-coréens, au pouvoir il y a une décennie. Mais l’armée nord-coréenne a toujours été opposée à sa construction, car l’usine occupe une ancienne base militaire. Si l’ancien dirigeant nord-coréen Kim Jong-il avait réussi à faire plier ses généraux, son fils et successeur, Kim Jong-un, ne dispose pas d’autant de pouvoir sur son armée, laquelle a d’ailleurs menacé de faire de nouveau de Kaesong une base militaire.

De son côté, la Corée du Sud a renchéri, il y a quelques semaines, par l’intermédiaire du très conservateur ministre de la Défense qui s’est déclaré prêt à une intervention militaire pour évacuer ses ressortissants si nécessaire. Aujourd’hui, les discussions continuent, mais la réouverture de Kaesong semble très compromise.

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