En Inde, la Cour suprême inflige un sérieux revers à Novartis

La Cour suprême indienne vient de rejeter la demande de brevet déposée par Novartis pour son anticancéreux vedette, le Glivec. Cette décision met un point final à une bataille juridique vieille de sept ans. Le géant pharmaceutique espérait ainsi empêcher les laboratoires indiens de produire des copies de son médicament. Peine perdue, l’Inde pourra produire des clones du Glivec accessibles aux malades pauvres des pays émergents.

Le bras de fer aura duré sept ans entre le géant pharmaceutique Novartis et la justice indienne. La compagnie pharmaceutique voulait s’assurer de la protection d’un brevet sur un anticancéreux. Pour l’obtenir, Novartis soutenait avoir amélioré le Glivec, un puissant médicament mis sur le marché en 2001.

Cet argument de la « nouvelle version » de l’anticancéreux n’a pas convaincu la plus haute juridiction indienne, pas plus qu’il ne l’avait fait en première instance puis en appel. Le Glivec, ou plutôt sa molécule l’imatinib mesylate, pourra donc être fabriqué en version générique par des laboratoires indiens à un prix bien inférieur à celui de l’original. 

Sauver de nombreuses vies

Si Novartis n’a pas de mots assez durs pour déplorer le rejet de la Cour suprême, à l’opposé, des ONG impliquées dans le suivi de malades se réjouissent de ce qui est pour elles une excellente nouvelle. « C’est un énorme soulagement », a déclaré Leena Menghaney, conseil juridique de Médecins sans frontières (MSF) et directrice de la campagne d’accès aux médicaments de l’ONG. « Cela va sauver de nombreuses vies, non seulement en Inde mais aussi dans d’autres pays en développement », s’est-elle félicitée.

L’Inde est en effet un des principaux fabricants de médicaments génériques au monde et le premier exportateur ; ses produits sont utilisés dans plus de 60 pays. On comprend ce succès quand on sait que pour le Glivec de Novartis le traitement revient à 4 000 dollars par mois, alors qu’en version générique, explique MSF, sont coût passe à moins de 73 dollars. « Pharmacie des pays pauvres », l’Inde entend donc le rester malgré l’avalanche de procès qui s’abat sur elle année après année depuis l’entrée en vigueur, en 2005, d’une juridiction plus sévère sur les brevets après qu’elle a rejoint l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

Depuis, la résistance de l’Inde face aux géants pharmaceutiques ne s’est pas démentie. Mais les grands laboratoires tentent sans relâche de percer cette défense, notamment grâce à la pratique de l’evergreening (toujours vert) ou du me too (moi aussi), qui est en fait l’art de faire du neuf avec du vieux.

Quand un médicament original (princeps) est sur le point de tomber dans le domaine public (10 à 15 ans après le début de sa commercialisation), les fabricants s’empressent d’en développer une variante. Il suffit alors de modifier à la marge le médicament pour, en principe, obtenir à nouveau un brevet et prolonger ainsi l’exclusivité de décennie en décennie. C’est justement cette opération « cosmétique » qui, en Inde, n’a pas convaincu les juges.

Fou de joie

La décision de la Cour suprême « va donner un énorme coup de pouce pour fournir aux pauvres des médicaments à des prix abordables », a réagi un avocat défendant les intérêts de l’Association indienne d’aide aux malades du cancer, qui s’est dit « fou de joie ».

Dépité, Novartis estime dans un communiqué publié ce 1er avril 2013, que le jugement concernant le Glivec est de nature à « décourager la découverte pharmaceutique innovante ». « Cette décision est un revers pour les patients et cela va freiner les progrès médicaux pour des maladies sans options de traitement efficace », a dénoncé le groupe qui a enregistré un bénéfice net de 9,6 milliards de dollars (7,4 mds euros), en 2012. Un argument que la Cour suprême a justement balayé en justifiant sa décision par le fait que le Glivec, très cher, serait inaccessible pour la majorité de ses 1,2 milliard d’habitants dont 40% gagnent moins de 1,25 dollar par jour. 

Dès l’annonce du rejet par la Cour suprême, la valeur Novartis a chuté à la Bourse de Bombay. En quelques minutes, le titre a perdu 6,8%, retombant à son niveau de janvier 2012 avant de se redresser mais conservant à la clôture une baisse de 1,8%.

En revanche, le revers subi par le géant pharmaceutique suisse a logiquement profité aux génériqueurs indiens comme Cipla, Ranbaxy et Narco Pharma. Un point de plus pour alimenter encore la croissance annuelle enviable du marché indien du médicament qui oscille entre 13 et 14%.

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