C’est la fin d’un Etat dans l’Etat. Le ministère du Rail a l’âge de la République populaire de Chine. Il était aussi depuis 1949 l’un des plus grands employeurs du pays. Cette administration était dotée de sa propre police, sa propre justice et forcément de ses propres excès. Cette refonte est une question d’efficacité, c’est aussi une question d’image.
Collision de TGV
Le ministère du Rail a survécu à la restructuration de 2008. Il paye aujourd’hui la collision entre deux TGV qui a fait 40 morts le 23 juillet 2011, et la chute de l’ancien ministre des Chemins de fer en février de la même année. Liu Zhijun a alors été accusé d’avoir détourné 800 millions de yuans de contrats signés et d’entretenir pas moins de 18 maîtresses. Résultat : les chemins de fers chinois sont aujourd’hui à la tête du plus jeune et plus grand réseau à grande vitesse au monde, ils sont aussi surendettés à hauteur de plus de 2660 milliards de yuans (328 milliards d’euros).
A ces problèmes de corruption s’ajoutent les difficultés de fonctionnement d’un réseau à flux tendu en période estivale. On l’a encore vu récemment pour le nouvel an lunaire le mois dernier. Comme chaque année, malgré la mise en place d’un système de réservation sur internet, la plupart des billets étaient inaccessibles plus de deux semaines avant le début des vacances de la fête de « chunjié ».
Le puissant ministère du Rail faisait partie des administrations les plus critiquées. « La réforme n’est pas forcement une bonne nouvelle, commente ce lundi Su Qun sur le réseau social weibo. Aujourd’hui il est difficile d’avoir un billet, demain les places dans les trains seront trop chers ». L’internaute Feng 1234 n’est pas de cet avis : « Ministère ou entreprise, peu importe ! Ce qui intéresse le peuple c’est de savoir si on aura des places dans les trains pour le festival de printemps ».
Diviser pour mieux gouverner
En réalité le ministère du Rail chinois ne devient pas tout à fait une entreprise, mais une entité publique à deux têtes. Selon le rapport sur la réforme institutionnelle et la transformation du Conseil des Affaires d’Etat (gouvernement chinois) présenté dimanche à l’Assemblée populaire nationale, dont la session annuelle se déroule en ce moment dans la capitale chinoise, le fonctionnement administratif sera confié à une administration intégrée à un super ministère des Transports. « Cette administration établira les normes technologiques des chemins de fer et contrôlera la sécurité du travail, la qualité des services de transport ainsi que la qualité des projets ferroviaires », indique le Quotidien du Peuple. La partie commerciale, frêt et passagers, sera en revanche confiée à une entreprise publique, la China Railway corporation, comme c’est le cas pour le secteur de l’énergie notamment. Le siège du ministère pourrait aussi devenir un lieu touristique, plaisantent encore les internautes.
Depuis dimanche soir en effet, le 10, de l’avenue Fuxinglu à l’ouest de Pékin est devenu un spot pour se faire photographier. Clic clac ! Des habitants, mais aussi des personnels des chemins de fer, défilent devant l’objectif pour garder une trace de ce qui appartiendra bientôt au passé.
L’actuel et donc dernier ministre des Chemins de fer, Sheng Guangzu s’est toutefois empressé de rassurer les près de deux millions d’employés du rail chinois : « aucune suppression de poste n’est prévue dans l’immédiat », affirme ce dernier.
Administration des océans mise en avant
Le comité central du Planning familial, exécuteur de la politique de l’enfant unique, est l’autre grand perdant de cette grande refonte de printemps, puisqu’il sera confié à une agence dépendante du ministère de la Santé. Bon point en revanche pour l’administration océanique d’Etat qui se voit confier les moyens de surveillance en mer et regroupe désormais plusieurs départements chargés des Affaires maritimes autrefois dispersés dans différents ministères (ministère de la Sécurité publique, Agriculture, les Douanes etc).
Certains y verront un signe du poids des mers de Chine dans le contexte des relations tendues avec le Japon autour de l’archipel Diaoyu/Senkaku. Ce plan de restructuration intervient alors qu’une nouvelle équipe dont la liste sera entérinée par le Parlement les 14 et les 15 mars prochain, s’apprête à prendre ses fonctions à la tête du pays.
Un plan ambitieux mais qui laisse de côté certains secteurs. Le rapport ne mentionne pas notamment les domaines de l’énergie et de la culture ; pas de super ministère de la Culture et de la Communication en effet qui serait venu en appui au soft power chinois. Les différents services de l’audiovisuel et de l’édition seront toutefois regroupés au sein d’un même endroit. Une entité à l’intitulé beaucoup trop long selon certains : 14 caractères chinois pour la nouvelle « Administration générale de la presse, de la radio, du film et de la télévision ».