Pour concevoir son dispositif, Massoud Hassani qui est âgé de 29 ans, s’est souvenu des jouets de son enfance en Afghanistan. Bricolés avec les copains, ces jouets faits de bouts de bois légers, étaient parfois entraînés par le vent jusque dans les champs de mines des faubourgs de Kaboul et perdus. Le sol afghan est en effet criblé de mines antipersonnelles, le résultat de décennies de guerre qui, des années après tuent encore des enfants ou les mutilent sévèrement malgré les opérations de déminage.
L’invention de Massoud Hassani a la simplicité des trouvailles efficaces et revient à environ 40 euros. Baptisé mine kafon tiré de l’abréviation kafondan, « quelque chose qui explose » en dari, la langue maternelle de l’inventeur, l’appareil est constitué de 150 bâtons de bambou vissés à une sphère centrale de métal. A l’extrémité extérieure de chaque tige, fixé par un joint de transmission en caoutchouc, un disque de plastique qui a tout du frisbee.
L’ensemble fait environ 2 mètres de diamètre et sa légèreté permet à ce drôle de pissenlit géant de rouler au gré du vent sur les terrains minés. La petite sphère métallique nichée au cœur de la « fleur » renferme un GPS qui enregistre tous les parcours où les mines ont explosé, délimitant du coup les lieux désormais sûrs. Chaque explosion arrache certes quelques bâtons de bambous mais c’est une affaire de rien de les remplacer.
Design et guerre
C’est lors de ses études à la prestigieuse Académie du Design d’Eindhoven que Massoud Hassani a l’idée en 2010 de réaliser son ingénieuse machine à partir de ses jouets d’enfant. Deux ans plus tard, on est loin du bricolage et les tests conduits par des équipes de déminage de l’armée des Pays-Bas laissent penser que le mine kafon pourrait bien obtenir un jour ses galons de démineur.
Sur place, en Afghanistan, les besoins sont grands même si depuis 1989 ce sont 689 000 mines antipersonnelles, 27 000 mines antitanks et plus de 15 millions d’autres types d’engins explosifs qui ont été collectés ou neutralisés selon le Centre de coordination de l’action contre les mines en Afghanistan (Macca), financé par l’ONU. Selon l’Organisation, il reste encore dans le pays 5 233 zones à risque qui menacent une population de 750 000 personnes.
Bien que l’appareil ne soit encore qu’au stade du prototype, Mary Wareham de la section « armes » de Human Rights Watch dit tout son intérêt : « Nous apprécions absolument tous les efforts qui sont réalisés », ajoutant toutefois « qu’il n’existe pas de solution miracle pour résoudre tous les problèmes liés au déminage ». En attendant, le pissenlit-démineur du designer Massoud Hassani pourrait constituer un complément non négligeable aux techniques classiques de déminage à la fois par sa facilité d’utilisation et par son faible coût.
Mais pour Massoud Hassani qui travaille avec son frère Mahmoud sur le projet, il n’est pas question que le mine kafon soit utilisé en situation réelle avant qu’il ait fait la preuve de son efficacité à 100%, autrement dit qu’il ne subsiste aucune mine après son passage. Pour parfaire leur engin, les deux frères estiment avoir besoin de 123 000 euros, une somme qu’ils espèrent réunir via une plateforme en ligne. L’objectif étant de tester le mine kafon au mois d’août prochain en Afghanistan même. Ce sera pour Massoud et Mahmoud Hassani l’occasion d’un premier retour sur leur terre natale qu’ils ont dû quitter il y a plus de dix ans.