L’ouverture de la distribution en Inde: une révolution qui prendra du temps

Le gouvernement indien a ouvert le 14 septembre dernier le commerce du détail aux investissements étrangers, ce qui va permettre aux multinationales de la distribution comme Carrefour d’ouvrir des supermarchés, et de détenir jusqu’à 51% du capital. Cette réforme, attendue depuis longtemps pour relancer l’économie en berne, a initié une révolte politique et syndicale, car elle pourrait entraîner la disparition des petits commerces.

« Si Wal-Mart arrive dans le quartier, c’est un vrai tsunami qui va nous passer dessus ». Raj Mandot est furieux. Et surtout, il a peur. Comme des millions de petits commerçants indiens, ce quincailler de Bazar Road, à Bombay, a baissé son rideau le 20 septembre dernier, pour protester contre la décision du gouvernement de libéraliser le commerce du détail.

Les épiciers continuent à gronder, soutenus par les partis politiques d’opposition, mais New Delhi a maintenu sa réforme. « Ces supermarchés peuvent se permettre de vendre à perte, et à ce jeu-là, nous ne pourrons pas résister. C’est une vraie menace », lance Raj d’une voix tremblante.

En Inde, 93% du commerce de détail est assuré par ces épiceries familiales, appelées kiranas. De petites cavernes d’Ali Baba aux étagères surchargées, dont les propriétaires acceptent de vous faire crédit et de vous livrer gratuitement, sur un simple appel, une brique de lait ou un sac de riz.

Mais ce réseau traditionnel a également ses limites : « Dans la farine qu’ils vendent, on trouve parfois des vers, se plaint Miné, une femme de classe moyenne, qui pousse son caddie en sortant d’Hypercity, l’un des rares supermarchés à capitaux indiens qui a émergé depuis une dizaine d’années en banlieue des grandes villes. Je fais toutes mes courses ici à présent : on trouve tout sous un même toit, même des produits importés qui ne sont pas en épicerie. Par contre, pour les légumes, je vais toujours au marché, ils sont plus frais et moins chers ».

Le gouvernement espère profiter d’importants investissements dans ce secteur, dont la valeur est estimée à 350 milliards d’euros, pour relancer une économie en net ralentissement – 6% de croissance attendue en 2012, contre 8% l’année précédente, et des investissements étrangers en chute de 67% au premier trimestre.

Carrefour et Wal-Mart , les deux leaders mondiaux de la distribution et déjà présents en Inde comme grossistes, sont aujourd’hui lancés dans la course au détail. Mais les petites épiceries ont encore de beaux jours devant elles : ces supermarchés étrangers ne seront autorisés que dans les 53 villes indiennes qui comptent plus d’un million d’habitants, et encore, si l’Etat fédéré le veut bien. Or les dirigeants de la moitié d’entre eux se sont déjà déclarés opposés à cette « intrusion étrangère ».

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