L’attentat-suicide a frappé pendant la fête de l’Achoura, l'une des fêtes les plus sacrées de l’islam chiite. A Kaboul, « un kamikaze a déclenché ses explosifs devant le sanctuaire Abu-ul Fazil » lors de la procession, a indiqué la police dans un communiqué, faisant au moins 54 morts et 150 blessés.
Le président afghan Hamid Karzaï a très vite réagi à cet attentat, le premier lors d’une fête religieuse : « C'est la première fois qu'à l'occasion d'une fête religieuse aussi importante en Afghanistan un acte terroriste aussi horrible a lieu ».
Dans la grande ville du nord du pays, Mazar-e-Sharif un autre kamikaze a fait quatre victimes, dont un soldat afghan. Là aussi, la communauté chiite semble avoir été visée puisque l’explosion a eu lieu près du principal sanctuaire de la ville.
Le caractère anti-chiite des attentats est évident. L'Achoura commémore la mort du petit-fils du prophète Mahomet, l'imam Hussein, troisième imam du chiisme, à la bataille de Kerbala en 680. Cette fête est fréquemment marquée par des violences contre les chiites, dans plusieurs pays musulmans, dont l'Irak, le Pakistan et maintenant l'Afghanistan.
« La minorité chiite d’Afghanistan qui représente 10 à 15% de la population était dominée par les Pachtounes sunnites explique Yann Richard, sociologue des religions et spécialiste du chiisme. Aujourd’hui, avec la domination américaine sur le pays et avec la tension politique qu’il y a, certains chiites sortent de cette situation d’opprimés, font surface notamment dans la capitale. Ce qui est une cause d’irritation pour les sunnites. L’agressivité traditionnelle des sunnites à l’égard des chiites maintenant se manifeste à travers ces violences ».
Les deux attaques n’ont pas encore été revendiquées. Les talibans afghans, sunnites radicaux, vers qui les regards se sont immédiatement tournés ont pour leur part « condamné » avec force l’attaque de Kaboul dans un communiqué adressé à la presse estimant qu’elle était « contraire à l’islam ». Le communiqué pointe la responsabilité des « envahisseurs ».
L'attentat survient dans un contexte diplomatique particulier au moment où s'achève la conférence de Bonn alors que le président Karzaï vient de lancer un appel au Pakistan pour que les deux pays travaillent ensemble à la paix et au moment où le ministre pakistanais de l'Intérieur remercie chaleureusement ses propres talibans pour avoir cette année respecté la trêve de l'Achoura.