Les élections en Kirghizistan : entre avis de tempête et espoir de stabilisation

Dans un climat de tensions inter-ethniques, la petite république du Kirghizistan s’apprête à élire son président ce dimanche 30 octobre 2011. Près de 3 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Cette élection prend les allures d’un test démocratique dans un pays qui a connu deux soulèvements en six ans, des massacres de populations et qui doit faire face à un danger de sécession des régions du sud.

Le Kirghizistan, avec ses cinq millions d’habitants, est une ancienne République soviétique qui a du mal à surmonter ses clivages. Le pouvoir administratif est basé à Bichkek, la capitale, ville située tout au nord du pays. Les régions du nord, à majorité kirghize, sont plus riches. En revanche, le Sud, à forte minorité ouzbèke, est agricole et pauvre, et il échappe de plus en plus au pouvoir central. Les affrontements entre clans se superposent aux autres fractures qui divisent le pays. Dominé par une police corrompue qui s’est placée à la tête d’un trafic de drogue en provenance d’Afghanistan, le Sud voit fleurir le trafic d’armes et le déploiement des terroristes musulmans. « Aujourd'hui, ce sont des officiers de police qui chapeautent le trafic de drogue au Kirghizistan. Ils supplantent même les groupes criminels de ce commerce », explique Alexandre Zelitchenko, un ancien colonel de police qui dirige le Centre d'Asie centrale pour la politique de la drogue.

Almazbek Atambaïev, grand favori et l’homme de l’union

Dans ce contexte houleux, Almazbek Atambaïev apparaît comme l’homme de la situation. Cet homme d’affaire de 55 ans vient certes du nord, mais il a réussi à mettre en avant un discours prônant l’unité du pays. Président du Parti social-démocrate du Kirghizistan (SDPK), il a été ministre puis Premier ministre de l’ancien président Kourmanbek Bakiev, avant de prendre ses distances avec lui en dénonçant son népotisme et la corruption de son gouvernement. Premier ministre sortant, Almazbek Atambaïev pourrait devenir le futur président en raflant, en plus des voix des Kirghizes, une part substantielle du vote ouzbek (les Ouzbeks représentant 14% de la population). Au moment des débats télévisés précédant l'élection, Almazbek Atambaïev se voulait optimiste : « C'est une élection historique qui nous offre une chance d'établir une stabilité durable dans notre pays instable ».

Parmi les 15 autres candidats, seuls deux sont de sérieux concurrents : Kamchibek Tachiev, un ancien boxeur et Adakhan Madoumarov, ancien président du Parlement. Tous deux représentent différents clans du sud du pays et n’hésitent pas à jouer sur la fibre nationaliste.

La chef d’Etat par intérim, Rosa Otounbaïeva, a réussi cependant le tour de force d’empêcher le chaos depuis 2010. Mais ce petit brin de femme, amie de Moscou et ancienne diplomate, n’a pas le droit de se présenter au scrutin de dimanche. Elle a promis d'être un « garant impartial » des « élections ouvertes et démocratiques », dans un discours télévisé. Elle a appelé les électeurs à ne pas rester indifférents et à venir voter afin de « renforcer l'unité du peuple du Kirghizistan ».

Président kirghiz : un job à risques

Le Kirghizistan n'a jamais vécu de transfert pacifique du pouvoir depuis son indépendance en 1991. Par deux fois, les Kirghizes se sont débarrassés de leur chef de l’Etat de manière expéditive. En mars 2005, la révolution dite « des Tulipes » a chassé du pouvoir Askar Akaiev soupçonné de fraudes électorales. Cette première révolution s’est déroulée sans effusion de sang. Cela ne fut pas le cas de la deuxième. En avril 2010, Kourmanbek Bakiev déchaîne la colère de la rue, suite à ses dérives autoritaires. Il doit prendre la poudre d’escampette et se réfugier en Biélorussie mais 81 personnes sont tuées lors des échauffourées avec sa garde. Deux mois plus tard, dans le marasme politique qui s'ensuivit, des pogroms anti-Ouzbeks firent plus de 400 morts dans le sud du pays.

Reste maintenant à savoir si l’élection de ce dimanche assurera une légitimité suffisante au futur président pour lui permettre d’effectuer tout son mandat.

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