Wang Lihong, la cyberdissidente convoquée devant un tribunal à Pékin

Ses proches étaient sans nouvelle depuis quatre mois, ce vendredi matin, 12 août 2011, Wang Lihong a fait sa réapparition sous bonne escorte devant un tribunal de la périphérie de Pékin. La cyberdissidente est accusée par la justice chinoise d’avoir « perturbé la circulation ». Pour les militants des droits de l’homme, la blogueuse est surtout une des nombreuses victimes de la vague de répression qui a suivi les appels aux manifestations du « jasmin » au printemps dernier.

La poussière des camions et la chaleur étouffante n’ont pas dissuadé les amis et les soutiens de Wang Lihong. La cyberdissidente a été convoquée par les juges pour avoir elle-même soutenu trois cyber-militants en avril 2010 devant un tribunal de la province du Fujian au Sud-Est du pays.

Depuis 8h du matin, un groupe hétéroclite d’une cinquantaine de personnes l’attend devant le Palais de Justice situé dans la grande banlieue de Pékin ; Doc Marteen oranges et capuches pour les plus jeunes accrochés à leur Smartphone, pancartes et tracts pour les vieux pétitionnaires qui profitent de l’occasion pour tenter d’exposer leur colère aux médias internationaux. Car comme à chaque procès de dissident en Chine, la plupart des journalistes appartiennent à des organes de presse étrangers. Comme à chaque procès de dissident également, les policiers sont de loin les plus nombreux. Les agents en civil se mêlant aux manifestants pour mieux enregistrer les présents à l’aide de caméscopes.

Délégation de l’Union européenne

08h56 : Quatre minute avant le début de l’audience, un fourgon de police s’engouffre dans le parking de la Cour de Wenyuhe non loin de l’autoroute qui mène à l’aéroport. Une salve d’applaudissements et des cris jaillissent de la foule qui a bien du mal à se faire entendre sous le concert des avions. Des gestes plutôt que des paroles. Aussitôt des rubans jaunes circulent de main en main : « Nous les accrochons autour du bras, explique l’une des manifestantes. C’est pour dire que nous pensons à elle. Nous la considérons comme un membre de notre famille et nous l’attendons avec impatience à la maison ».

Interpellée par neuf policiers à son domicile Pékinois, le 21 mars dernier, dans le cadre d’une vague d’arrestations déclenchées par les appels à manifester qui ont suivit les « révolutions du jasmin » au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, Wang Lihong (56 ans) n’a pas donné de nouvelles à ses proches depuis quatre mois, affirme son fils de 26 ans présent lui aussi devant le tribunal. Une « disparition » qui a fait sortir Ai Weiwei de son silence. L’artiste chinois le plus connu à l’étranger a subi le même sort voici quelques semaines. Dans un court message publié il y a deux jours sur son compte tweeter, il en appelait directement à la libération de la blogueuse.

Le cas de Wang Lihong est éminemment politique. Sur les trottoirs encore en travaux de la nationale qui borde le tribunal, un groupe en costumes cravates tente de s’approcher de l’entrée. La délégation est constituée de huit pays de l’Union européenne qui ont demandé la permission de suivre l’audience. Peine perdue : « L’accès nous a été refusé », explique Maria-Rosa Sabbatelli, porte-parole de la section politique de la délégation de l’UE à Pékin. Comme l’a confié le parquet populaire du district de Chaoyang à son avocat, Wang Lihong est accusée d’avoir « provoqué un attroupement en vue de bloquer ou de perturber la circulation ». Les faits remontent à avril 2010 et le chef d’inculpation (organisation de manifestation « interdite ») est là encore, un classique dans ce genre de procès.

Faire le mur pour assister à l’audience

Un argument que récusent les militants présents. « Wang Lihong revient à la maison, Wang Lihong est innocente » scande un petit groupe devant les médias étrangers, cantonnés derrière un filet de sécurité et une hypothétique pancarte : « News releasing and reporting area ». A leur tête, une autre figure de la cyberdissidence.

Zhao Lianhai s’est fait connaître en défendant les familles victimes du lait contaminé en 2008. Comme Wang Lihong il a travaillé pour l’administration publique puisqu’il faisait partie des inspecteurs chargés de la sécurité alimentaires. Etroitement surveillé, Zhao Linhai raconte qu’il a du faire le mur de sa maison à 4 heures du matin pour échapper à la vigilance de ses gardiens. Et c’est en bus qu’il est arrivé jusqu’au tribunal vu que les quatre pneus de sa voiture étaient crevés. « Quand on est en conflit avec le peuple, il y a toujours des blessures », affirme le militant. Il ajoute : « Nous, on ne veut pas se retrouver dans la situation de la Libye ou de la Syrie avec un conflit entre les dirigeants et la population. Après tout nous sommes tous Chinois, on est tous de la même famille, tout ce qu’on veut c’est que le gouvernement réfléchisse et nous écoute. Mais depuis quelques temps tout ceux qui se battent pour la justice sont traité d’une manière assez dure et parfois violente. Les Chinois ont aujourd’hui pris conscience de l’importance des droits de l’homme en Chine. Si on continue à nous traiter comme cela, certains pourraient employer des méthodes plus extrêmes ».

11h14 : Nouveaux applaudissements à l’entrée. Le fourgon policier quitte le tribunal aussi rapidement qu’il est entré et le cœur des pétitionnaires peut entrer en action. Les portraits d’un fils ou d’un mari disparu sont tendus vers les objectifs des photographes. Les larmes se sont enfuies depuis bien longtemps, il ne reste que les paroles dures comme de la pierre. Toutes les colères chinoises envahissent alors la banlieue de Pékin.

Si elle est reconnue coupable, Wang Lihong risque jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. 

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