Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
Pas de commentaire, des téléphones raccrochés dès que le nom d’Ai Weiwei est prononcé. Visiblement, la police de Cao Chang Di a reçu pour consigne de se taire. C’est pourtant dans ce quartier d’artistes situé dans le nord-est de Pékin que les forces de l’ordre sont intervenues dimanche après-midi. Son studio mais aussi son domicile ont été perquisitionnés : « La police a emporté l’ordinateur et d’autres équipements, affirme son épouse. Elle a fouillé partout ! »
Quelques heures plus tôt, Ai Weiwei s’était rendu à l’aéroport de la capitale pour prendre un avion pour Hong-Kong. Son assistante passe les contrôles. « Ne l’attendez pas », préviennent alors les douaniers, Monsieur Ai a « d’autres affaires à régler ». Depuis, plus de nouvelles. Il y a quelques jours, l’artiste disait vouloir s’installer à Berlin. Ai Weiwei dénonçait les « entraves faites à son travail ». Son atelier de Shanghai a été démoli en janvier, sa dernière exposition prévue en mars en Chine vient d’être déprogrammée.
Une figure de la dissidence chinoise
Barbe fournie et le verbe haut, cette grande figure de l’art contemporain est très appréciée à l’étranger. Ai Weiwei représente surtout l’un des premiers détracteurs du régime. Il n'a d'ailleurs pas hésité à soutenir récemment le prix Nobel de la paix attribué à un dissident chinois en prison. Il a lancé un défi à David Cameron en demandant au Premier ministre britannique de défendre ouvertement les droits de l’homme lors de sa visite à Pékin. Fils de l’un des plus grands poètes chinois et ancien ministre de la Culture purgé puis réintégré, Ai Weiwei n’a pour l’instant jamais été condamné, malgré le harcèlement des autorités.
Le département d’Etat américain s’est dit « préoccupé » par cette disparition. Ce lundi, le ministère français des Affaires étrangères a réclamé la libération de l'artiste dissident. Des dizaines d'opposants chinois ont été arrêtés, assignés à résidence ou éloignés de chez eux ces dernières semaines. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, Pékin craint une contagion des révoltes en cours dans le monde arabe.