Les manifestations de dimanche ont fait un flop dans la rue, et pour la presse officielle, c’est bien la preuve que l’opinion chinoise n’est pas du tout à l’unisson de ceux qui « ont tenté d’imiter la révolution du jasmin ». Ca va s’en dire, ca va encore mieux en le martelant.
Le Global Times est le premier à dégainer : « Il n’y a pas de volonté collective en faveur d’une révolution en Chine », affirme le quotidien anglophone qui demande aux lecteurs de « ne pas extrapoler autour d’un bouquet de jasmin (…) certains en Occident veulent que la Chine soit la ‘nouvelle Egypte’. Cela est simplement impossible ». Même chose d’ailleurs pour le Quotidien du Peuple qui ne fait pas allusion directement à la contestation sur internet, mais appel les citoyens à davantage de « maturité ».
Révolution « impossible »
Même appel à la « maturité » dans le Global Times qui qualifie les rassemblements de « performances artistiques » organisées par « quelques agités » qui « comme les mendiants dans les rues, ne disparaissent jamais, tandis que le reste du pays continue à avancer ».
C’est d’ailleurs l’argument qui revient le plus dans la bouche des « experts » sollicités sur la question. Les autorités affichent un bilan économique à faire pâlir d’envie la plupart des dirigeants de la planète. La croissance chinoise à deux chiffres venant de propulser le pays sur la deuxième marche du podium pour ce qui est du produit intérieur brut.
« Les problèmes sociaux sont très loin des situations intolérables telles que celle rencontrées en Egypte, affirme Hu Xingdou, professeur à l’Institut de Technologies de Pékin, cité par le Global Times. « La Chine est vouée à progresser en tant que nation imparfaite, avec ses nombreux problèmes », poursuit le Quotidien du Peuple. Sans que cela ne vienne « remettre en cause la façon dont est gouvernée la société ».
Ces propos des rédacteurs de la voix officielle du parti communiste sont toutefois loin de faire l’unanimité. Non pas parce qu’ils seraient contestés, mais tout simplement parce que la plupart des journaux chinois n’y font même pas allusion. Pas une image des rassemblements du week-end, pas une ligne non plus dans la plupart des quotidiens tandis que sur internet, les mots « Egypte », « Tunisie », « Démocratie » et « Jasmin » demeurent interdits sur les principaux forums de discussion.
Un silence radio qui vaut également pour la démission annoncée par la chaîne al-Jazira du numéro deux de l’ambassade de Libye à Pékin. Le fonctionnaire a appelé tous ses collègues diplomates libyens à faire de même en signe de protestation contre la répression dans son pays. Une forte présence policière restait par ailleurs perceptible dans la capitale ce lundi 21 février 2011, à l’approche de la 4e session du 11e Congrès national du peuple.
Signal d’alarme
Dans son discours samedi, le président Hu Jintao a insisté sur la nécessité de résoudre « des problèmes importants qui pourraient nuire à l’harmonie et à la stabilité sociale », tout en appelant à « une gestion améliorée du réseau des informations ». Certains réseaux privés virtuels (VPN) chinois utilisés pour contourner la censure n’étaient d’ailleurs plus opérationnels ce lundi.
Le père de « la grande muraille informatique » venant de rappeler par voie de presse que les cyber censeurs menaient un combat permanent contre les « portes de la liberté », le nom générique donnés par les internautes à ces outils permettant de se connecter sur les sites prohibés dans le pays tels que Youtube, Twitter ou Facebook. Contrôle du web ainsi que des éléments qualifiés « d’irresponsables » par la presse. Les téléphones de plusieurs avocats des droits de l’homme contactés à Pékin restent muets. « Plusieurs d’entre eux sont toujours interrogés par la police », affirme l’un de leurs confrères qui a souhaité gardé l’anonymat.
« Avec l’amélioration du niveau de vie, le peuple s’attend à des réformes graduelles et des solutions aux problèmes sociaux. Mais cela doit servir d’alarme pour les autorités », estime encore le professeur Hu Xingdou. Un signal semble-t-il entendu par le pouvoir. La mobilisation policière est le signe que ces appels à la contestation lancés sur internet n’ont pas été pris à la légère.
Le gouvernement multipliant parallèlement les mesures pour tenter d’enrayer la surchauffe. Vendredi, la banque centrale chinoise a, pour la deuxième fois depuis le début de cette année, relevé le coefficient des réserves obligatoires des banques. L’inflation étant pour le gouvernement central un moteur potentiel de révolte, bien plus important que les appels à manifester sur internet.