« Je reste persuadé qu’on arrivera à davantage d’ouverture politique »

Les intellectuels n’ont pas leur mot à dire dans les discussions qui se tiennent au sein du plénum des délégués du Parti communiste chinois (PCC) qui se tient à partir de ce vendredi 15 octobre 2010 et jusqu’à lundi à Pékin. Cela ne les empêche pas de réfléchir et de donner leur avis. Les yeux presque fermés quand il parle, le sociologue Ru Xingdou n’a pas voulu revenir avec nous sur la question de l’attribution du prix Nobel de la paix au dissident Liu Xiaobo la semaine dernière. Prudent, ce professeur à l’université des Technologies de Pékin n’en demeure pas moins un fervent partisan de l’ouverture politique.

RFI : Quelle est l’importance de cette 5ème assemblée plénière du PCC aujourd’hui à Pékin ?

Ru Xingdou : « C’est une réunion très importante car nous sommes à deux ans de 2012. Et vous le savez en Chine, c’est le Parti qui dirige le peuple et les réformes économiques. C’est lui aussi qui dessine l’avenir politique du pays. Ces assemblées se tiennent annuellement, avant ou après la fête nationale, le 1er octobre. C’est l’occasion pour tous les représentants du PCC venus des provinces de se retrouver dans la capitale. Mais cette année, puisqu’on arrive à l’échéance des cinq ans, il y aura un nouveau plan quinquennal l’année prochaine dont les grandes orientations sont discutées dès à présent. On doit y parler aussi bien sûr de la question de la succession du président Hu Jintao ».

RFI : Alors allons droit au but, est-ce qu’on a déjà un nom ou plusieurs noms pour prendre la suite du président Hu ?

Ru Xingdou : « A priori c’est déjà fixé. Ce sera très certainement le vice-président Xi Jinping qui devrait obtenir le poste. La politique en Chine repose sur les grands équilibres. Il faut savoir s’allier les progressistes, les forces conservatrices et les gouverneurs de régions. Et lui, Xi Jiping, c’est un peu celui qui rassemble le plus de tendances. Il a l’avantage de bien connaître le terrain (ndlr : figure de proue de la 5ème génération des dirigeants communistes, Xi Jinping a fait ses débuts dans les provinces de Fujian et de Zhejiang avant de diriger le bureau du PC à Shanghai, modèle du capitalisme rouge à la chinoise). De plus, c’est aussi un « fils de ». Son père Xi Zhongxun est l’ancien vice-président de l’Assemblée populaire et, en tant que vice-Premier ministre de Chine, à son époque, c’était l’homme le plus ouvert du gouvernement. Son fils a donc un grand réseau et a marqué pas mal de points chez les réformistes. Il est aussi apprécié des conservateurs depuis qu’il a été très ferme lors de sa tournée en Amérique du Sud ».

RFI : Ce n’est pas encore l’heure du bilan, mais le compteur tourne. Que retenir des deux mandatures Hu Jintao ?

Ru Xingdou : « Il faut le reconnaître, le président Hu a contribué à l’amélioration de la vie du peuple, il a aussi propulsé le développement des sciences dans ce pays dont on voit le résultat avec les missions lunaires. Et puis il a su aussi modérer l’élan vers le capitalisme de certains fonctionnaires qui ne pensaient qu’à obtenir un résultat au niveau du PIB, en oubliant les conséquences sociales du développement économique. Mais le bilan de son action reste assez limité malgré tout, car le gouvernement ne s’est pas attaqué aux problèmes et à leurs racines. Avant d’améliorer la vie quotidienne des citoyens, il faudrait d’abord leur accorder les droits élémentaires. Or il y a eu un manque évident de succès en la matière. On n’a pas fait la réforme politique. On voit que certains conservent leurs privilèges, on voit que les monopoles de certaines entreprises n’ont pas disparu, on voit aussi que la lutte contre la corruption manque encore d’efficacité. Il faut donc que les lois soient complétées. Il faut surtout établir un système politique constitutionnel qui sera la seule manière de régler ses différents problèmes ».

RFI : Les lois existent, n’est-ce pas plutôt un problème d’application de la loi ?

Ru Xingdou : « Oui et non car bien souvent notre loi est comme une jolie décoration. C’est un moyen de communication du pouvoir vis-à-vis de l’extérieur. Pour avancer, il faut impérativement que la Chine se débarrasse des lois qui sont contre la Constitution et des politiques qui sont contre les lois. C’est ce qu’a dit d’une certaine manière le Premier ministre. Wen Jiabao est pour moi la meilleure incarnation de l’esprit de Deng Xiaoping. C’est un esprit ouvert qui a le mieux défendu les objectifs du Parti. Or, nous les communistes, notre objectif est d’établir une République démocratique avec toutes les libertés. Avec l’ouverture de l’économie, je reste persuadé qu’on arrivera à d’avantage d’ouverture politique ».

Propos recueillis par Stéphane Lagarde, traduction Liu Huayin
 

Partager :