Tous les militants de la cause des droits de l’homme en Chine n’étaient pas sur la Place Tiananmen en 1989. Bloggeurs, caricaturistes, professeurs ou ici avocat, beaucoup sont nés dans les années 70, voire après. Xu Zhiyong, 37 ans, est avocat et enseigne le droit à l’Université de la Poste à Pékin. Il est de la même génération que son principal client Chen Guangcheng. Ce militant aveugle figurait lui aussi d’ailleurs dans la liste du comité norvégien cette année ; libéré le 10 septembre dernier, il est toujours assigné à résidence pour avoir dénoncé notamment la stérilisation forcée de milliers de Chinoises dans la province du Shandong. Xu Zhiyong, son avocat, a lui a aussi été arrêté il y a quatre jours, mais pour avoir célébré l’attribution du Prix Nobel de la Paix à un Chinois de Chine populaire dans un bar de la capitale.
RFI : Que c’est il passé vendredi soir à Pékin ?
Xu Zhiyong : « C’était vendredi après 17 heures. Lorsqu’on a appris que Liu Xiaobo avait eu le prix Nobel, nous nous sommes rendus à la porte Est du Parc de Ditan. On a sorti des cartons sur lesquels on avait inscrit des slogans pour féliciter Liu Xiaobo de son prix. On a avait aussi inscrit : « Vive la liberté ! » Ca a duré environ 20 à 30 minutes puis la police est arrivée. On a discuté. Des badauds se sont approchés pour voir ce qui se passait. On a commencé à gêner la circulation et on est parti. Nous avons été ensuite au restaurant. Mais là, nous avons eu à peine le temps de nous asseoir et les policiers très nombreux sont venus nous interpeler. On a tous été emmenés dans des commissariats différents. »
RFI : Vous êtes sorti de garde à vue dimanche, que sont devenus les autres ?
Xu Zhiyong : « Moi j’ai été emmené dans le même commissariat que Zhao Changqing qui lui aussi a signé la charte 08. Nous sommes restés là pendant plus 24 heures et pendant tout ce temps ils nous ont répété toujours les mêmes questions : Qu’est-ce que vous faisiez près du parc ? Est-ce que vous avez gêné la circulation ? Ensuite j’ai été libéré mais d’autres sont toujours en détention. On ne sait pas pourquoi ! Wang Lihong qui s’occupe d’une association pour les plus démunis, le bloggeur Tufu (pseudonyme) et Zhao Changqing sont toujours sous mandat d’arrêt. Je ne comprends pas. Au commissariat, je n’ai pas cessé de répéter que c’est moi qui avait organisé la manifestation, pourtant ils m’ont relâché ! »
RFI : Est-ce que le Prix Nobel a changé quelque chose pour les militants des droits de l’Homme en Chine ?
Xu Zhiyong : « La première chose c’est que beaucoup d’entre nous sont d’avantage surveillés voire harcelés par la police. Le Parti (communiste) a surréagi à la décision du comité norvégien et je ne vous cache que nous (les intellectuels et les défenseurs des droits de l’homme) sommes assez stressés. »
RFI : Beaucoup ne peuvent plus nous accorder des interviews, ce n’est pas votre cas…
Xu Zhiyong : « Moi aussi j’ai reçu l’ordre de ne pas parler aux journalistes, mais je n’ai pas pour habitude d’obéir à ce qu’ils disent. »
RFI : Les délégués du PCC se réunissent vendredi en Plénum, est-ce que ce prix peut faire évoluer les choses au sein de l’appareil ?
Xu Zhiyong : « Ce prix Nobel est comme un tremblement de terre pour la société chinoise, même s’il est encore difficile de dire quelles en seront les répercussions sur le long terme. Ce qui est sûr dans l’immédiat, c’est que le Parti a été touché. La récompense attribuée à Liu Xiaobo réveille quelque chose au sein du gouvernement. Le pouvoir se rend bien compte que les choses doivent changer. Je ne sais pas trop comment dire, mais ce prix les ‘pique’, comme on dit chez nous, et on espère qu’ils vont réagir. J’ai été très touché par ce qu’a dit Liu Xiaobo dans sa prison. Ce prix est aussi une récompense pour tous ceux qui ont sacrifié leur vie à la cause des libertés dans ce pays. Pas seulement en 1989 mais pendant ces 21 dernières années. »
Propos recueillis par Stéphane Lagarde, traduction Liu Huayin
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