Philip Golub: «Trump a aujourd'hui le contrôle du parti républicain»

La démission du directeur du renseignement national Dan Coats a été annoncée ce dimanche 28 juillet 2019 par Donald Trump. Il était l’un des derniers à contester Donald Trump au sein de son administration. Philip Golub, professeur de relations internationales à l’Université américaine de Paris revient sur l’impact de ce départ pour Trump.

Depuis mars 2017, Dan Coats était directeur du renseignement national, un poste de coordination des 17 agences de renseignement américain, dont la CIA et la NSA. Dan Coats avait plusieurs fois exprimé ses désaccords avec le président américain au sujet notamment des ingérences de la Russie dans la campagne américaine de 2016, de la réalité de l’éradication du groupe État islamique en Syrie ou encore celle de la dénucléarisation de la Corée du Nord.

Donald Trump l’avait invité à « retourner à l’école » l’accusant « naïveté » et le tenant à l’écart des dossiers de première importance. Dan Coats sera remplacé par le député républicain John Ratcliffe, défenseur résolu du locataire de la Maison Blanche au Congrès.

RFI : Le départ de Dan Coats, vétéran du parti républicain, est le dernier d’une longue série au plus haut sommet de l’appareil d’État américain. Est-ce le signe que Donald Trump parvient à écarter toute contestation au sein son administration ?

Philip Golub : Ce départ s’inscrit dans un processus de remplacement de l’ancienne garde républicaine au sein d’abord de l’appareil de sécurité des États-Unis. Je parle de l’ancienne garde constituée historiquement sous les deux présidents Bush. Je parle de républicains conservateurs internationalistes qui avaient des visions de puissance des États-Unis assez différentes de celles de Donald Trump. Plus largement, sur le plan symbolique cela marque aussi la continuation d’un processus de prise de contrôle du parti républicain lui-même par Donald Trump et ses alliés. La signification profonde c’est que Donald Trump a aujourd’hui le contrôle du parti républicain et on le voit dans le soutien qui lui est constamment affirmé par son parti, dans les deux chambres du Congrès.

Reste-t-il des espaces de contestation capables de freiner Donald Trump au sein de son administration, en matière notamment de politique étrangère ?

Donald Trump met évidemment en poste des gens qui lui sont loyaux. Est-ce qu’il a totalement les mains libres pour autant ? Non, parce qu’il dépend bien sûr de l’appareil d’État. Il est plus imprévisible que ses prédécesseurs et il est difficile de savoir ce que ces départs signifient sur sa politique étrangère. Aujourd’hui Donald Trump est entouré de personnages comme son Conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, comme le Secrétaire d’État Mike Pompeo, qui sont des durs parmi les durs, des faucons en politique internationale, encore plus que lui-même. Dans l’affaire du drone américain abattu par les Iraniens, Trump a finalement décidé de ne pas lancer d’opération militaire contre l’Iran. De même il a finalement décidé de se retirer de Syrie. Il a personnellement des instincts politiques qui le poussent à ne pas trop intervenir militairement et à utiliser surtout l’arme économique pour contraindre rivaux et alliés contre d’autres éléments de son administration plus va-t-en-guerre.

L’opposition démocrate appelle à faire barrage à la nomination du successeur de Dan Coats, l’élu républicain de la Chambre des représentants, John Ratcliffe, accusé d’être « aveuglément loyal » à Donald Trump. Est-ce le cas ?

C’est effectivement quelqu’un de très politique. Il a été très offensif contre l’ancien procureur spécial Robert Mueller lors de son audition par le Congrès. Idéologiquement, c’est quelqu’un de très proche de Donald Trump. Le président nomme donc un allié, un élément plus sûr politiquement, comme coordinateur des services de renseignement. Cela signifie qu’il fera moins face aux critiques de l’appareil de sécurité des États-Unis, que ce soit concernant les ingérences russes dans la dernière campagne présidentielle, sur le dossier iranien sur lequel la communauté du renseignement s’opposait plutôt à la sortie de l’accord nucléaire, etc. Donc cela va contribuer à taire certaines critiques, mais l’appareil de sécurité américain est une immense machine et des dissonances se feront inévitablement connaitre dans les prochains mois.

Partager :