A Washington, la Cour suprême ambiguë sur le droit à l'avortement

Sans le remettre en cause, la plus haute instance judiciaire des États-Unis a adopté mardi 28 mai une position en demi-teinte sur l'avortement. Plusieurs États avaient adopté des lois très restrictives, et contestées devant les tribunaux. Les opposants à l’avortement espèrent ainsi que ces procédures conduiront la Cour suprême à abolir la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse.

Avec notre correspondante à Washington,  Anne Corpet

La première décision de la Cour suprême a d'abord réjoui les opposants à l’avortement. Elle rend obligatoire l’enterrement ou l’incinération de tissus de fœtus avortés. Une loi avait été votée en ce sens en 2016 et signée par l’actuel vice-président Mike Pence quand il était gouverneur de l’Indiana. Mais elle a ensuite été suspendue par un tribunal fédéral. La Cour suprême l’a finalement validée, offrant une victoire aux anti-avortement : les fœtus avortés sont assimilés à des restes humains et non plus à des déchets médicaux. Si la Cour autorise cette loi, précise-t-elle cependant, c'est parce qu'elle n’affecte pas le droit des femmes à avorter. Une manière de rappeler que ce droit, lui, n’est pas contesté.

La Cour suprême a par ailleurs déçu tous ceux qui militent aux États-Unis contre l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Elle a refusé de statuer sur une deuxième loi de l’Indiana votée en 2016. Ce texte visait à interdire aux femmes d’avoir recours à l’IVG en raison du sexe, de la race, d’un handicap ou d’une malformation du fœtus. Il a lui aussi été suspendu par un tribunal fédéral, mais la plus haute instance judiciaire du pays n'a pas voulu trancher. La loi ne peut donc toujours pas être appliquée, et c’est un soulagement pour les mouvements de défense des droits des femmes.

Simple répit pour les défenseurs des droits des femmes

Mais il s’agit peut-être d’un simple répit. Dans ses attendus, la Cour précise qu’elle se réserve la possibilité de changer d’avis à l’avenir et qu’il est simplement trop tôt pour statuer. Elle attend avant de se saisir de la question que plusieurs cours d’appel aient rendu leurs décisions. Le juge Clarence Thomas, qui a rédigé l’arrêt, s'est livré à un long développement sur les dangers des grossesses dites sélectives. « Étant donné que l'avortement pourrait bientôt devenir un outil de manipulation eugénique, écrit le juge, le tribunal devra bientôt faire face à la constitutionnalité de lois comme celle de l'Indiana. »

Avec cette décision, les juges éludent le débat sur l’avortement. Plusieurs États ont adopté des lois très restrictives, qui sont toutes contestées devant la justice. Les rédacteurs de ces textes, le plus souvent issus de la droite religieuse, espèrent qu’au bout du compte, la Cour suprême reviendra sur l’arrêt qui a légalisé l’avortement au niveau fédéral en 1973. Ils misent en particulier sur la nomination de deux nouveaux juges conservateurs par Donald Trump. Mais avec les décisions rendues mardi 28 mai, la plus haute instance judiciaire du pays montre qu’elle n’est pas pressée de statuer sur un sujet politiquement très chargé dans le pays.

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