Caracas ordonne la fermeture des ponts reliant le Venezuela à la Colombie

Juan Guaido, qui s'est auto-proclamé président par intérim du Venezuela il y a plusieurs semaines, a traversé la frontière colombienne, vendredi 22 février 2019, malgré un ordre judiciaire lui interdisant de quitter son pays. A Cucuta, il a assisté à un concert de soutien à l'opposition qu'il incarne désormais. Dans le même temps, Caracas a ordonné la fermeture de la frontière dans tout l'Etat de Tachira, voisin de Cucuta, ville dans laquelle s'accumule de l'aide humanitaire américaine décrite par le régime vénézuélien comme le cheval de Troie d'une intervention militaire.

Celui qu'une cinquantaine de pays du monde soutiennent dorénavant en tant que « président du Venezuela par intérim » avait fait de ce samedi 23 février le jour J pour tenter de forcer l'entrée du territoire en vue d'acheminer l'aide humanitaire envoyée par les Etats-Unis pour son pays. Cette dernière s'accumule depuis le 7 février dans des entrepôts de la ville frontalière de Cucuta, en Colombie, le président Maduro ayant interdit son entrée au Venezuela.

Vendredi, Juan Guaido a entrepris de se rendre sur place côté colombien, pour assister à un grand concert caritatif de soutien. Un défi pour Caracas, qui lui avait interdit de sortir du territoire. Dans le même temps, le gouvernement de Nicolas Maduro a d'ailleurs ordonné la « fermeture totale temporaire » de tous les ponts qui relient les deux pays dans l'Etat vénézuélien de Tachira - c'est aussi le nom du fleuve -, a-t-on appris par un tweet de la vice-présidente.

Une décision que Delcy Rodriguez justifie par « des menaces sérieuses et illégales proférées par le gouvernement de Colombie contre la paix et la souveraineté du Venezuela ». « La normalité aux frontières sera rétablie quand les actes grossiers de violence contre notre peuple et notre territoire seront sous contrôle », précise-t-elle. Trois ponts sont concernés, dont le pont international Simon Bolivar, un quatrième étant déjà fermé depuis quelque temps.

Echauffourées mortelles près du Brésil

Le ton monte également à la frontière du Brésil. Vendredi toujours, des soldats vénézuéliens ont ouvert le feu et tué deux personnes - un couple - dans le village de Kumarakapay, selon les dirigeants d'une communauté indigène locale. Sur place, des Vénézuéliens auraient tenté de bloquer un convoi militaire qui se rapprochait du Brésil, craignant qu'il ne cherche à empêcher l'entrée d'aides étrangères au Venezuela. On dénombre une quinzaine de blessés.

Alors que la moitié de ces personnes ont été hospitalisées, Juan Guaido s'est emparé de l'affaire, dénonçant un « crime » sur Twitter, et appelant à nouveau les militaires à « choisir leur camp en ces heures décisives ». « Entre aujourd'hui et demain, vous devrez décider comment on parlera plus tard de vous », a-t-il prévenu à l'adresse des militaires, auxquels l'opposition, majoritaire à l'Assemblée nationale, a promis l'amnistie en cas de chute du régime chaviste.

Jeudi soir, M. Maduro avait ordonné la fermeture de la frontière brésilienne. En plus de l'aide étrangère stockée à Cucuta, M. Guaido s'est en effet engagé à faire parvenir des cargaisons ce samedi depuis la ville brésilienne de Boa Vista et l'île caribéenne néerlandaise de Curaçao. « Demain (...) tout le monde sera dans la rue pour demander l'entrée de l'aide  humanitaire, en remerciant le monde entier pour cette alliance sans précédent », a-t-il averti vendredi après le concert.

A quelques heures de la fin de l'ultimatum, la garde nationale vénézuélienne était de plus en plus présente. Plusieurs convois sont arrivés dans la journée de vendredi, relate notre envoyée spéciale, Marie Normand, àla frontière colombienne. Des véhicules anti-émeutes circulaient dans les villes d'Ureña et San Antonio, là où se trouvent les ponts désormais fermés, que l’opposition vénézuélienne a promis de franchir avec ses volontaires et ses camions d’aide humanitaire.

Caracas cherche à sortir de l'isolement

Pour sa part, le gouvernement de Nicolas Maduro intensifie ses tractations diplomatiques. Vendredi, le ministre des Affaires étrangères était au siège des Nations unies, à New York, pour obtenir une médiation du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Face à la presse, à plus de 3 000 km de Caracas, Jorge Arreaza a de nouveau dénoncé la tentation d’une intervention militaire de Washington, mettant en garde contre le risque de violence.

En moins de 48 heures, le secrétaire général des Nations unies a ainsi rencontré successivement les chefs de la diplomatie américaine et vénézuélienne, répétant aux deux hommes le même message : tout faire pour éviter un bain de sang. Face à la presse, le ministre vénézuélien a dénoncé une aide humanitaire qui s’apparente à un spectacle orchestré par les Américains pour provoquer la violence dans son pays et une réaction des militaires fidèles au président Maduro.

Et de nier que les forces vénézuéliennes aient reçu l'ordre de tirer, tout en assurant qu’elles défendraient l’intégrité territoriale du pays, rapporte notre correspondante à New York, Marie Bourreau. M. Arreaza a toutefois laissé entendre que des tractations de dernières minutes avaient lieu, notamment avec l’envoyé spécial des Etats-Unis au Venezuela ce samedi. Il a aussi évoqué la possibilité d’un accord technique pour recevoir de l’aide humanitaire, sans plus de précisions.

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