[entretien réalisé avant la prise de parole du président Jovenel Moïse, NDLR].
RFI : Emmanuela Douyon, le collectif « Nou Pap Dòmi » a publié ce mercredi sur les réseaux sociaux un questionnaire qui s’adresse à l’ensemble des citoyens haïtiens, qu’ils résident en Haïti ou à l’étranger. Quel est l’objectif de ce questionnaire ?
Emmanuela Douyon : Nous avons conçu ce questionnaire afin de consulter les citoyens et avoir leur avis sur l’évolution de la crise et sur les propositions concrètes que ces citoyens aimeraient formuler. En ce moment, beaucoup de secteurs de la vie nationale essaient de faire des propositions de sortie de crise. Mais nous, en tant que PetroChallengers, nous sommes une communauté qui n’a pas d’espace. Alors nous nous réunissons. Et nous avons pensé qu’il faut faire les choses différemment.
En Haïti, cette culture de participation citoyenne, de consultation n’existe pas. C’est ce que nous aimerions changer pour faire en sorte que chacun puisse participer, contribuer à sa manière et faire part de ses souhaits et de ce qu'il pense être les objectifs que la transition ou le gouvernement devraient poursuivre. Du coup, nous avons pensé utiliser Internet et envoyer le formulaire à autant de personnes que possible, que ce soit en Haïti ou dans la diaspora.
Comment s’articule exactement ce formulaire ?
Nous avons essayé de reprendre tous les grands points qui sont véhiculés sur les réseaux sociaux. Par exemple, il existe actuellement tout un débat sur l’utilité et la pertinence du Parlement et sur le rôle que le Parlement devrait jouer à l’avenir. Du coup, nous avons inséré ces points dans le questionnaire pour avoir l’avis des gens sur le rôle que devrait jouer le Parlement.
Il y a aussi tout un débat sur l’armée, sur la Constitution, sur le fait qu’on se dirige vers une transition et la durée que devrait avoir cette transition. Nous avons étudié les tendances et les revendications dans la rue, ce qu’exigent les gens. Nous avons combiné tout cela pour comprendre ce que les citoyens eux-mêmes valident où ne valident pas.
Comment fonctionne concrètement ce formulaire ? Les citoyens peuvent le remplir en ligne et après, à qui faut-il le renvoyer ?
Nous avons partagé un lien, les gens peuvent remplir [le questionnaire] en ligne. Et nous, à « Nou Pap Dòmi », nous recevons les données sur notre compte. Nous allons partager les résultats de cette enquête de façon transparente. Nous allons ensuite traiter ces données et essayer de faire des propositions concrètes à partir de ces données.
Combien de retours de questionnaires avez-vous déjà ?
Nous avons été agréablement surpris parce que les gens ont réagi avec beaucoup d’enthousiasme. Nous avons reçu pratiquement 3 000 réponses en moins de vingt-quatre heures. C’est énorme quand on considère qu’en Haïti la connexion Internet est mauvaise et que les gens n’ont pas vraiment cette culture. Mais tout au long de la première nuit, les gens répondaient. Ils ont formulé des propositions bien articulées. Certains ont proposé de mettre leur expertise à notre disposition. La réaction est vraiment, vraiment formidable.
Emmanuela Douyon, une fois que vous aurez récolté toutes ces données, vous allez les transcrire sous forme de propositions. A qui allez-vous les envoyer ? Quel est l’objectif ?
Déjà, nous allons essayer de divulguer, de vulgariser la proposition [qu’est ce questionnaire, ndlr.] et de sensibiliser les citoyens. Et ensuite nous allons essayer d’approcher les acteurs avec ces propositions pour voir comment trouver un consensus et essayer de faire aboutir ces propositions.
Quand vous parlez des acteurs, vous parlez de la classe politique haïtienne ?
En fait, quand on parle de la classe politique ou des acteurs politiques, nous, les PetroChallengers, nous faisons très attention. Parce que la tendance, ce que les gens veulent faire, c'est de faire « tabula rasa ». Les gens ne veulent plus entendre parler de certains acteurs politiques. Donc, nous nous proposons de ne pas seulement approcher les acteurs politiques, mais [aussi] les personnes de la société civile qui pourraient jouer un rôle dans la transition ou dans l’alternative que nous voulons implémenter. Mais nous ne visons pas forcément la classe politique traditionnelle. Même si nous reconnaissons que ses acteurs auront leur rôle à jouer.
Nous, nous voulons vraiment sensibiliser d’autres personnes qui pourraient avoir un rôle à jouer, y compris ceux qui n’étaient pas sur la scène jusqu’à présent. Parce que les gens veulent du neuf, un renouveau. Et nous, nous essayons de voir qui pourrait émerger pour assumer cette responsabilité.
Au sein de notre collectif « Nou Pap Dòmi » nous voulons faire converger la voix de tous les PetroChallengers. Nous voulons organiser le mouvement et le rendre plus efficace. Ce faisant nous restons très ouverts. Nous n’essayons pas de prendre la paternité du mouvement ou de l’orienter dans un sens ou l’autre. Nous voulons être vraiment inclusifs et encourager la participation de tous.
► à lire aussi: Face à la contestation, Moïse Jovenel s'exprime enfin