Avec notre correspondante à Port-au-Prince, Amélie Baron
Au cœur de l'aire métropolitaine, les centaines de manifestants venus de Cité Soleil n’ont caché ni leur colère ni leur envie de tout détruire. Les visages majoritairement masqués, ces jeunes se déclarent à bout, comme en témoigne l’un d’eux qui souhaite qu’on l’appelle « Pierrelet ».
« On est restés calmes, dit-il, mais Jovenel Moïse nous a abandonnés avec notre faim. Et quand on a faim, ils savent ce qu’on peut faire. On n’a qu’à tout casser mais on veut pas ça, on veut du travail. Sans ça, on va tout raser dans le pays parce qu’on n’en peut plus de souffrir, on a trop faim. »
A grand renfort de gaz lacrymogènes et de tirs en l’air, la foule s’est dispersée, en commettant quelques petits pillages. Joël a perdu tout son stock de boissons gazeuses mais il n’en veut à personne d’autre qu’au président, nous confie-t-il :
« C’est pas leur faute, [c'est] parce qu’ils ont faim. Ce qu’ils ont pris, ils l’ont bu ou vont le vendre et avoir de quoi un peu soulager leur famille. Je n’ai rien contre eux, c’est parce qu’on n'a pas de bons dirigeants. Si tout le monde avait du travail, ça n’arriverait pas. C’est à cause de ce président de mascarade que toutes ces dérives se produisent en Haïti. »
Qualifié de menteur et de corrompu dans les rues du pays depuis déjà cinq jours, le président reste terré dans son mutisme, ce qui ne fait qu’amplifier la colère populaire.