RFI : Serge Olivier, qui est ce peuple qui soutient Juan Guaido ?
Serge Olivier : C’est très hétéroclite. Contrairement aux manifestations qui ont lieu d’habitude pour soutenir l’opposition au Venezuela, qui étaient des manifestations - notamment en 2017 - centrées sur l’est de Caracas, c’est-à-dire sur les quartiers de classe moyenne, les classes aisées, depuis mercredi il y a aussi des manifestations dans les quartiers populaires, les barrios de l’ouest de Caracas. Dans tout le pays en fait, dans toutes les villes, il y a des émeutes avec parfois des pillages. Il y a eu des scènes d’émeutes dans les rues, dans des quartiers très populaires, des barrios historiquement chavistes, de La Vega, de Propatria, de la Cota 905… Des quartiers populaires qui, d’habitude, ne suivaient pas ce qui se passait dans les quartiers plus riches de l’est du pays.
Là, il y a un réel changement ?
Oui,c’est un premier enseignement du point de vue des émeutes et des manifestations spontanées : il y a une convergence entre les quartiers populaires de l’ouest de Caracas et les quartiers plus aisés de l’est, c’est quelque chose de nouveau.
Sans l’armée derrière lui, Juan Guaido peut-il espérer quelque chose ? Est-ce qu’il peut tenir, après s’être autoproclamé chef de l’Etat ?
C’est très difficile pour lui et ce sera très, très compliqué. Il y a déjà une répression qui est en cours. On compte déjà 28 morts dans le pays à l’heure actuelle et déjà près de 200 arrestations.
Ce sont surtout, à l’heure actuelle, les forces de police, les forces spéciales de police qui interviennent dans les quartiers populaires et la Garde nationale, mais dans une bien moindre mesure. En fait, si les grandes manifestations, ce qui est à prévoir, continuent de se dérouler aujourd’hui (vendredi 25 janvier), la répression de la part de la Garde nationale sera un élément clé. Parce que les grandes répressions des grandes manifestations n’ont pas encore eu lieu.
Le haut commandement militaire soutient le gouvernement de Maduro. Ce n’est une surprise, puisque Maduro a nommé - chiffre complètement hallucinant - 2 000 généraux. Le haut commandement est lié au régime, les militaires sont partie prenante du régime, font le régime, sont le régime en grande partie. Pour un tiers du gouvernement, ce sont des militaires ; les gouverneurs d’Etat sont des militaires. Bref, le haut commandement est militaire.
Mais les soldats du rang, les officiers subalternes et les sous-officiers, eux, subissent la crise de plein fouet, comme le reste des Vénézuéliens. S’ils doivent être amenés à réprimer de façon systématique la manifestation, ce sera un test de loyauté pour la troupe. Et c'est encore à venir...