Après deux ans d'une présidence Trump qui a profondément divisé les Américains, les démocrates ont promis d'employer leur nouvelle majorité à la chambre basse, à partir de janvier 2019, pour servir de « contre-pouvoir ».
Mais ils ont aussi semblé tendre la main à l'autre camp. Leur chef à la Chambre, Nancy Pelosi, a promis d'œuvrer pour trouver « des solutions qui nous rassemblent, car nous en avons tous assez des divisions », avant de citer ses priorités : la protection de l’assurance maladie et les infrastructures. Des domaines sur lesquels une coopération est possible avec la Maison Blanche, explique notre correspondante à Washington, Anne Corpet.
Mais les démocrates vont vouloir aussi montrer les dents surtout que de jeunes élus situés à la gauche du parti arrivent à la chambre. Le parti va prendre la tête des commissions parlementaires, qui ont un pouvoir d’enquête étendu : les démocrates pourront tenter d’obtenir la déclaration fiscale que le président a toujours refusé de fournir, enquêter sur les conflits d’intérêt de la famille Trump, élargir le champ d’investigation du procureur Mueller. Bref : mener une sorte de guérilla parlementaire.
Qui plus est, en prenant la tête de la chambre basse, l'opposition s'offre aussi la possibilité de lancer une procédure de destitution contre le président américain. L'état-major démocrate a laissé entendre qu'il était réticent à déclencher cette option explosive, probablement vouée à l'échec dans un Sénat républicain, qui a le dernier mot.
Volonté de renouvellement
Reste à voir si la jeune garde progressiste fraîchement élue tiendra les rangs, portée par le fort désir de renouvellement qui agite le parti. Une pression qui pourrait jouer en défaveur de Nancy Pelosi, critiquée dans ses propres rangs. Car malgré le succès de son parti, il n’est pas garanti qu’elle soit élue au perchoir.
Plusieurs dizaines de candidats démocrates ayant dit avant le scrutin qu'ils s'opposeraient à sa candidature. Au cœur de ces dissensions internes : la désaffection d'une grande partie de l'électorat. Selon un sondage diffusé en août, près de trois quarts des personnes interrogées appelaient les démocrates à se choisir un autre chef pour la Chambre.
Cohabitation compliquée
Mais au-delà des tensions au sein même du parti, les combats des démocrates au Congrès risquent d’être compliqués à mener. Car en maintenant le contrôle du Sénat, les républicains gardent notamment la main sur les confirmations des nominations présidentielles à la Cour suprême. Les deux chambres devront s'accorder sur le budget, ce qui promet d'âpres batailles.
Cela signifie que cela sera plus dur pour Donald Trump de poursuivre son programme par la voie parlementaire, puisqu’il y aura « de fait, un blocage à la chambre », explique le professeur agrégé d’histoire et spécialiste des Etats-Unis, Corentin Sellin. Le président aura alors deux options : trouver des compromis « comme l’on fait beaucoup de ses prédécesseurs ». Ou employer la méthode des décrets présidentiels, « qu’il affectionne particulièrement ».
« Il est probable que Donald Trump et les démocrates se livrent à une véritable guerre rangée, analyse le spécialiste des Etats-Unis, Corentin Sellin. On va probablement se retrouver dans une situation de blocage institutionnel, à moins que Donald Trump change de stratégie et cherche des compromis avec cette nouvelle majorité. Ce qui signifie que, dès à présent, on est en campagne pour la présidentielle de 2020. » Lui qui n'est jamais aussi convaincant que dans les combats, Donald Trump pourrait trouver dans ces luttes un terreau fertile pour sa campagne de réélection.