Avec notre envoyée spéciale à Cúcuta, Lucile Gimberg
La Colombie vit sa première élection présidentielle depuis la signature de la paix en 2016 avec la guérilla des FARC, et le deuxième tour tend désormais à la répétition du référendum qui avait été organisé à l'époque.
Le conservateur Iván Duque a promis qu'il ne réduira pas en miettes l'accord signé avec les FARC fin 2016, mais il veut y apporter des modifications. Et surtout, il est soutenu par le puissant ex-président Álvaro Uribe, féroce détracteur du pacte de La Havane.
A Cúcuta, ville frontalière par laquelle arrivent de nombreux Vénézuéliens fuyant la crise dans leur pays, José défend la guerre qu'a menée en son temps Álvaro Uribe contre la guérilla.
« Quand M. Uribe est devenu président, dit-il, ici, on ne pouvait pas voyager vers un village en bus, parce que la guérilla nous braquait. Et si tu n'avais pas d'argent à donner, ils te tuaient. Alors oui, quand M. Uribe est arrivé au pouvoir, il y a eu des inconvénients, des exécutions extrajudiciaires, des affrontements... Mais au moins, le gouvernement a montré ses muscles pour défendre les gens bien. »
Le conflit n'est pas complètement terminé
La paix n'a pas changé grand-chose à la violence que vivent au quotidien la ville de Cúcuta et le Catatumbo tout autour. Après le désarmement des FARC, il reste d'autres guérillas - l'ELN, l'EPL, les dissidents des FARC -, mais aussi les bandes criminelles et le trafic de drogues...
Jorge, rappeur engagé, votera pour le candidat de gauche Gustavo Petro. Pour défendre la paix avant tout, explique-t-il : « Aujourd'hui, l'hôpital militaire est quasiment vide, il y a eu une impressionnante diminution des morts au combat, des deux côtés... Alors oui, la paix est un sujet crucial. »
Pour consolider la paix, M. Petro veut mettre en place des réformes structurelles et s'attaquer aux racines de la violence : réforme agraire, santé et éducation pour tous. Mais la réorganisation de nouveaux groupes armés et le manque de mise en œuvre des accords de paix sur le terrain constituent un enjeu fort de la campagne.
En somme, le conflit n'est pas totalement terminé, rappelle le chercheur Yann Basset, de l'université El Rosario de Bogota.
Une insécurité qui perdure donc pour la population, notamment en zone rurale. Ce sont les mêmes pratiques depuis 60 ou 70 ans rappelle Christoph Harnisch, directeur de la délégation du CICR en Colombie, le Comité International de la Croix Rouge. « C’est encore pire qu’avant parce que les points de repère ont complètement changé». Il faudrait une « politique de sécurisation beaucoup plus décidée» et une présence plus forte de l'Etat. « L’Etat, seul, peut jouer ce rôle. Et c’est malheureusement quelque chose qui se fait très lentement».