Un candidat de gauche au deuxième tour de la présidentielle, c'est une première en Colombie. D’ailleurs ces élections passionnent. Gustavo Petro parle justice sociale, environnement, transition énergétique, droits des minorités sexuelles. Son discours radical et innovateur séduit les secteurs populaires et les jeunes, rapporte notre correspondante à Bogota, Marie-Eve Detoeuf.
Petro a adouci le ton entre les deux tours pour rallier les électeurs du centre. « Le centre est un peu l’arbitre de cette élection, explique à RFI Yann Basset, professeur à l'universite El Rosario de Bogota. Ce qui n’est pas très courant en Colombie, d’ailleurs. Et du coup, les deux candidats ont essayé effectivement de modérer leur discours.»
Ainsi, Petro a adouci ses propositions et sa campagne sur les institutions, « s'engageant à ne pas réunir une assemblée constituante comme il l’avait laissé entendre au début de la campagne, à respecter les institutions», rappelle Yann Basset. Il a aussi modéré ses propositions en matière fiscale. Cela lui a permis d'«avoir l’appui de candidats un peu plus modérés comme Antanas Mockus – ancien candidat à la présidentielle lui-même –, qui passe bien dans l’opinion modérée».
Ivan Duque au service du «renouveau»
Toute tendance confondue, les partis et politiciens traditionnels ont eux appelé à voter pour Ivan Duque, poulain de l'ancien président Alvaro Uribe. Duque qui, à 41 ans, a joué de sa jeunesse, de son inexpérience et de sa sympathie pour se poser en candidat du renouveau. Mais son programme est très classiquement conservateur: Ivan Duque veut diminuer les impôts, produire plus de pétrole -les opérateurs économiques et les investisseurs voient en lui un gage de stabilité-, envoyer plus de monde en prison, y compris les chefs guérilleros aujourd'hui démobilisés.
Dans la perspective du second tour, « Ivan Duque a effectivement [adopté], une position un peu plus modérée sur les accords de paix, poursuit Yann Basset. Il dit qu’il n’allait pas les remettre en cause. Il a beaucoup insisté sur le fait que la paix continuait. Il a en particulier tenu à dire aux démobilisés que l’Etat tiendrait ses engagements pour cet accord ». Mais les partisans de la paix négociée sont inquiets. Les défenseurs des droits de l'homme aussi.
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