Regain de tension entre Quito et Bogota après l'enlèvement de deux Equatoriens

C'est un nouvel enlèvement en Equateur, à la frontière avec la Colombie. Mardi matin 17 avril, Quito a diffusé la vidéo d'un couple d'otages aux mains du front Oliver Sinisterra, le groupe armé colombien responsable de l'enlèvement et de l'assassinat la semaine dernière de deux journalistes et de leur chauffeur. Ce groupe est commandé par Guacho, un ex-guérillero dissident des FARC. Le ministre de l'Intérieur, Cesar Navas a demandé l'aide de ses concitoyens pour identifier l'homme et la femme qui apparaissent sur la vidéo.

L'homme et la femme portent une corde autour du cou. Ils sont entourés de deux combattants armés et cagoulés. L'homme demande au gouvernement équatorien de céder aux demandes des ravisseurs, rapporte notre correspondante à Bogota,  Marie Eve Detoeuf. Des images déjà vues, terriblement semblables à celle de deux journalistes et de leur chauffeur reçus quelques jours avant leur assassinat.

Le doute a plané quelques heures sur l'authenticité du document, comme sur l'identité des deux otages, mais le ministre équatorien de l'Intérieur, César Navas, a fini par confirmer publiquement l'information : « Je confirme que les identités des citoyens qui auraient été enlevés correspondent bien à celles qui ont été rendues publiques par les médias. Pour l’heure, nous savons qu’ils auraient quitté Santo Domingo mercredi et se seraient dirigés vers la province d’Esmeralda, dans le canton de San Lorenzo. Le dernier contact téléphonique avec la famille a été établi dans la nuit de mercredi. Et plus tard dans la nuit de jeudi, un SMS a été envoyé. Son contenu est en cours d’analyse, car la façon dont ce message est rédigé est apparue inhabituelle aux proches des personnes enlevées. »

En diffusant la vidéo, mardi matin, César Navas a promis une lutte sans merci contre les « narcoguérilleros » colombiens. « Guacho est notre ennemi », a dit le ministre.

La Colombie déploie 2 800 soldats dans la région

La veille, Guacho et ses hommes avaient fait savoir qu'ils ne livreraient pas les corps des journalistes, en représailles contre les opérations militaires menées des deux côtés de la frontière.

La Colombie, où se trouvent les corps des victimes, a déployé 2 800 soldats de sa force d'élite Fudra dans la région. Pour Quito, il ne fait pas de doute que l'enlèvement du couple est aussi une forme de représailles et un chantage. Le gouvernement équatorien qui est confronté à une situation inédite veut se montrer ferme, mais il craint d'être entrainé dans la spirale de la violence colombienne.

Le couple enlevé est originaire de Santo Domingo de los Colorados, rapporte notre correspondant à Quito, Eric Samson. Il s'agit d'Oscar Villacis 24 ans et de Katty Velasco, 20 ans.

Les dissidents des FARC réclament la libération de prisonniers

Les autorités équatoriennes ont établi un lien de communication direct avec les dissidents des FARC qui réclament toujours la libération de plusieurs de leurs hommes capturés en janvier dernier. Une demande qui a peu de chance d’être entendue tant Lenin Moreno a durci son discours et demandé l’aide de six pays étrangers, dont les Etats-Unis et la France.

« Notre pays a besoin d’être uni comme jamais pour pouvoir combattre un ennemi invisible… Invisible aujourd’hui, mais que nous pouvons rendre visible grâce à la technologie et à l’aide que les pays amis sans nul doute vont nous proportionner », a-t-il déclaré.

La tension dans la région bloque pour le moment toute possibilité de récupérer les corps des journalistes assassinés et de leur chauffeur. Le président Moreno a donné 10 jours à ses ministres de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires Etrangères pour capturer le leader dissident des FARC.


Violence à la frontière : manque de présence de l'Etat ?

Ce nouvel enlèvement de deux civils ainsi que l'assassinat, la semaine dernière, de deux journalistes équatoriens et de leur chauffeur, montre une réalité pour le moins gênante : il existe une zone de non-droit, dénoncée de longue date par les experts, où les narcotrafiquants défient les deux Etats.

Les 700 km de frontière que partagent l'Equateur et la Colombie s'étirent à travers la jungle vers la côte pacifique. Dans cette région, le climat facilite la culture de la coca, la topographie permet le transport de la cocaïne par la mer. Les groupes armés se disputent le contrôle de cette zone depuis des décennies.

Côté colombien, le secteur autour de la ville de Tumaco a été pendant longtemps contrôlé par les FARC. Après la signature des accords de paix et le désarmement de l'ancienne guérilla, l'Etat n'a pas occupé l'espace laissé vacant.

Une douzaine d'autres groupes s'y bat désormais pour le contrôle du narcotrafic. Parmi eux les dissidents des FARC qui ont enlevé et assassiné les journalistes équatoriens.

Ce drame et les récentes attaques contre des postes de police équatoriens ont provoqué une prise de conscience collective en Equateur. En 2008, un raid de l'armée colombienne contre un campement des FARC sur le territoire équatorien avait provoqué une crise diplomatique entre les deux voisins. Les relations se sont depuis améliorées. Mais l'Equateur n'a plus voulu participer à des opérations conjointes pour sécuriser la frontière. Ces derniers événements l'obligent à changer d'avis.

(Re) lire : Equateur: le gouvernement annonce l'enlèvement de deux citoyens équatoriens

Partager :