Avec notre correspondante à Santiago, Justine Fontaine
Face à Sebastian Pinera, pas moins de six candidats se présentent à gauche et au centre. Principal concurrent de l'ancien président, Alejandro Guillier est soutenu par une partie de la coalition sortante, et propose de poursuivre la plupart des réformes sociales entamées par le gouvernement actuel. Deux mandats ont suffi à l'équipe Bachelet pour subir l'« usure du pouvoir », explique Franck Gaudichaud, chercheur spécialiste du Chili à l'université de Genoble. « Il y a eu les différents affaires et scandales au cours du mandat. Il y a aussi eu une déception et une perte de confiance au sein de sa base électorale sur des questions-clés, notamment la question des systèmes de retraites qui ont toujours dans les mains des fonds de pension, ou les grandes promesses aussi de Bachelet sur la gratuité de l’éducation », qui ne concerne, finalement, que « 28% des étudiants ». « L’enjeu de Guillier aujourd’hui, conclut le chercheur, c’est d’essayer de remobiliser ce secteur-là des classes moyennes autour de sa candidature. »
Cet ancien journaliste est crédité d'un peu plus de 20% des intentions de vote dans les sondages. S'il se qualifie pour le second tour du 17 novembre, il compte sur le ralliement des démocrates-chrétiens et d'une coalition de petits partis clairement orientés à gauche.
Leur candidate Beatriz Sanchez, propose un changement profond du système de retraites, la gratuité de l'éducation pour tous, ou encore une nouvelle Constitution. Des promesses en partie incluses dans le programme de Michelle Bachelet en 2013.
Contexte d'un retour des droites libérales
Mais à en croire les sondages, Sebastian Piñera devrait arriver largement en tête et réunir plus de 40% des voix ce dimanche. Un faisceau de facteurs tendent à expliquer ce succès : d'une part, la « grande déception sur les bilans du mandat Bachelet sur tout un ensemble de points » soulignés plus haut, et d’autre part, le dynamisme d'« une droite vraiment qui a beaucoup de moyens, qui est à l’offensive et qui montre, dans le concert latino-américain où il y a un retour des droites dans plusieurs pays, qu’elle peut revenir au pouvoir et proposer disons de nouveau la croissance, tous les grands moteurs de mobilisation de la droite latino-américaine », analyse Franck Gaudichaud.
Face à une croissance en berne, moins d'1,5% attendu cette année, le milliardaire promet de relancer l'économie et de créer des emplois. Sans remettre en cause le modèle ultra-libéral hérité de la dictature du général Augusto Pinochet. « En partie, Piñera essaye de surfer sur l’ancrage de la vision néolibérale dans la société, qui reste à la fois conservatrice et en même temps qui a adhéré à ces valeurs du marché qui ont été imposées initialement ; de l’autre, il faut rappeler que la grande majorité reste abstentionniste à des hauteurs de plus de 50% », poursuit Franck Gaudichaud.
Les Chiliens de l’étranger ont enfin pu voter
Pour la première fois, les Chiliens qui sont installés à l'étranger peuvent voter pour l'élection présidentielle. C'était une demande depuis le retour de la démocratie en 1989, notamment des milliers d'exilés sous Pinochet. Dans la Constitution qu'il avait fait adopter en 1980, le dictateur avait évité de leur donner voix au chapitre. Après des années de blocage, la présidente socialiste Michelle Bachelet a fait passer la réforme en 2016.
Une première donc ce dimanche 19 novembre. Ils sont autour de 400 000 Chiliens en âge de voter à l'étranger, près de 40 000 ont fait les démarches nécessaires pour exercer leur droit dans 62 pays. A Paris, ils étaient nombreux à se rendre au Consulat du Chili. Reportage.