Le centre de vacances de Punta Santiago sur la côte sud-est de Porto Rico, est totalement dévasté. C’est là qu’il y a deux semaines, les vents furieux de Maria ont touché terre. Ryan Rodriguez s’active autour de la piscine avec trois autres employés. Deux frigidaires ont déjà été extraits du bassin, dans lequel flottent encore des débris de toutes sortes.
Ryan Rodriguez est sauveteur en mer, mais il a troqué ses palmes contre des outils de chantier : « Nous devons tout remettre en état le plus vite possible pour faire revenir les touristes, notre survie en dépend », explique-t-il. Face à la plage où de nombreux palmiers gisent sur le sable, les cabanons ont piètre allure. « Vous voyez les toits, ils se sont tous envolés. Le poste de secours en mer a disparu aussi, et on ne sait pas où il est. C’est très déprimant, vraiment », confie-t-il. Une petite villa a aussi perdu toutes ses fenêtres et ses deux portes. « Le vent et l’eau sont entrés d’un côté et sont sortis de l’autre, ils ont tout emporté », constate Ryan.
Patience et débrouille
A une centaine de mètres de la plage, le long de l’avenue principale, des engins de chantier repoussent sur le côté les poteaux électriques et les arbres tombés. Même les piliers de béton se sont brisés. Plus loin dans les ruelles, devant chaque maison, s’entasse un invraisemblable bric-à-brac. Tout est bon à jeter : la mer, gonflée par l’ouragan, a rejoint la rivière, et saccagé les intérieurs de tous les habitants du quartier. Veronica Sanchez a allumé son autoradio et ses deux enfants font du vélo autour de sa voiture. Elle est accroupie au-dessus d’une bassine et lave son linge sur une planchette en bois. « C’est comme dans la maison de ma grand-mère, comme dans l’ancien temps... Si Dieu le veut, l’eau courante reviendra bientôt dans toute l’ile. Et l’électricité aussi. On attend », sourit la jeune-femme. D’après les experts, il faudra au moins six mois pour que le courant soit rétabli dans l’ensemble de l’île.
Une route à trois voies file vers la capitale San Juan. Au détour d’une colline, des dizaines de véhicules stationnent sur la bande d’arrêt d’urgence. Un des rares endroits de l’île où le réseau téléphonique fonctionne convenablement. La plupart des tours relais sont en effet tombées sous les vents de Maria. « J’appelle une amie qui habite aux Etats-Unis pour lui dire que nous allons bien. Mais à cause des problèmes d’essence, on ne peut pas venir tous les jours. Nous passons les appels importants rien de plus », explique Burnilda Lopez, son portable vissé à l’oreille.
Si les files d’attente se sont résorbées dans la capitale aux abords des stations-service, elles restent importantes dans le reste du pays. Les gens patientent des heures pour acheter de l’essence, de la nourriture, ou tout simplement retirer de l’argent liquide. Faute d’électricité, les commerces n’acceptent plus les transactions en carte de crédit. A Caguas, une petite ville située à une vingtaine de kilomètres au sud de la capitale, des dizaines de personnes attendent une distribution de glace. Le magasin n’est pas encore ouvert, mais le premier de la file attend déjà depuis six heures. Il a passé la nuit sur place. « Chaque jour nous devons déterminer quelle est notre tâche prioritaire », explique une jeune mère de famille qui patiente assise sur sa glacière à l’ombre de son parapluie.
Au-dessus de San Lorenzo, dans les montagnes, on croirait la forêt calcinée. Tous les arbres ont perdu leurs feuilles et les branches sont nues, brunes, brisées. Ici, l’aide fédérale n’est pas encore arrivée, mais les habitants se sont organisés entre eux pour parer aux difficultés. Les branches qui jonchaient la route ont été entassées sur le côté, des volontaires se sont mobilisés pour réparer le plus urgent dans les maisons sinistrées.
Une vie suspendue à une batterie
La famille Zuaga habite à la sortie d’un village relativement isolé. Seuls les chiens et les coqs brisent le silence : ici, personne n’a de générateur. Diego, le fils aîné, a installé un système de gouttière pour récupérer l’eau de pluie. Juanita, la mère, passe sa journée dans un large fauteuil : elle souffre du cœur, est diabétique et ses jambes lui causent des douleurs. A ses côtés, un appareil est branché sur une batterie de voiture. « J’ai besoin d’une machine pour m’aider à respirer la nuit, mon mari a bricolé ce système pour qu’elle puisse fonctionner », lâche-t-elle dans un souffle. Pendant la journée, la batterie sert à relever le fauteuil et le lit pour permettre à Juanita de se redresser. Régulièrement, Diego, le mari de Juanita doit se rendre en ville à San Lorenzo, pour faire le plein d’essence : il y passe des heures à attendre son tour devant la station-service. Mais faire tourner le moteur de la voiture permet de recharger la batterie, et de maintenir Juanita en vie.