Avec notre envoyée spéciale à Crosby et Houston, Anne Corpet
Pour l'instant, à Crosby, un seul des neuf containers de produits chimiques d'Arkema a explosé (deux détonations suivies d'un incendie). Il s'agit de peroxyde organique, un composant utilisé par les industries du plastique et du caoutchouc. Un périmètre de sécurité de près de trois kilomètres a été établi autour du site industriel.
L'hélicoptère du shérif de Crosby survole la ville, mais aucune fumée noire n'est visible à l'horizon. Devant la caserne des pompiers de la ville, le responsable de l'usine concède que la fumée est toxique, comme celle de n'importe quel incendie. Mais Richard Rennard se montre évasif sur la suite des événements.
« Ce serait spéculer que d'annoncer l'importance de l'incendie »
Il reste un important stock de produits chimiques sur le site et le risque de nouvelles explosions est réel. « Ce n'est pas une science exacte. Ce serait spéculer que d'annoncer l'importance de l'incendie. On ne pas prédire ce qui va se passer », plaide Richard Rennard.
Ce panache « est extrêmement dangereux », affirme cependant le directeur de l'Agence fédérale des situations d'urgence, la FEMA. Sauf que l'agence de l'environnement, pour sa part, estime qu'il n'y a pas d'émanation dangereuse... C'est le flou.
Les habitants sont dans l'expectative. « On est inquiets, mais on dépend des autorités pour être informés. On est prêts. Nos affaires sont prêtes à être embarquées dans la voiture si on doit évacuer », confie Harvey Reimer, gérant d'un supermarché local.
« Nos affaires sont prêtes à être embarquées dans la voiture si on doit évacuer »
Ce que craignent surtout les riverains, ce sont les fuites de produits chimiques dans les eaux fétides qui noient le site industriel. Pour l'instant, personne ne peut se rendre sur place, et il est donc difficile de savoir ce qui peut se passer, et impossible en tous cas d'intervenir.
Certains habitants tâchent de prendre les choses avec philosophie. A la caisse du magasin, Rodney Srank remballe ses achats. Il habite la zone évacuée et ne peut pas rentrer chez lui. « Vous savez, remarque-t-il, ce n'est pas une explosion géante, c'est juste normal, ils ne peuvent pas l'empêcher. C'est juste frustrant de ne pas pouvoir rentrer chez soi. »
Et Rodney de rappeler que la zone vient de connaître bien pire aux yeux des riverains, avec le passage de l'ouragan, depuis rétrogradé au rang de tempête tropicale : « Ici, beaucoup de gens ont tout perdu à cause de Harvey. Alors, on a du mal à se faire du souci pour une fumée qu'on ne voit même pas. »
« A Houston, on reprend à peine ses esprits après le passage d'Harvey »
De fait, il a fait beau pour la deuxième journée consécutive jeudi à Houston, plus au sud, et tandis que la décrue se poursuit, la plupart des habitants qui avaient été évacués des flots ont pu retourner chez eux et constater l'étendue des dégâts. Des dizaines de milliers de maisons sont inhabitables.
A Creekhickory Road, dans le nord de la ville texane, le grand ménage a commencé. D'invraisemblables amoncellements de bric-à-brac humide s'entassent sur les bords de la route : meubles, cloisons, planches, livres, vêtements, le tout délivrant des odeurs de pourri. Les habitants sont de retour chez eux et tous vident leur intérieur sur le trottoir.
La tâche est éprouvante. Les familles réalisent qu'elles ont perdu leurs plus chers souvenirs. Pour des milliers d'entre elles, elles ne pourront pas occuper leur logement avant longtemps. Les pompiers ont commencé une opération de ratissage systématique des quelque 87 000 maisons texanes affectées, pour vérifier que personne, mort ou vivant, n'a été oublié dans les secteurs qui ont été inondés.