La mesure devrait figurer dans le rapport annuel du département d'Etat sur le trafic des êtres humains. Ce texte sera présenté mardi 27 juin. Mais le retrait de l'Irak et de la Birmanie de la liste des pays utilisant des enfants soldats, et l'absence de l'Afghanistan, provoquent déjà un tollé chez les organisations humanitaires.
Si des changements de dernière minute restent en théorie possibles, le texte est en principe déjà finalisé. Tillerson a rejeté les conclusions de ses propres équipes sur la présence d'enfants soldats en Irak et en Birnamie. Il a balayé les observations de diplomates en Asie et au Moyen-Orient à ce sujet.
La division chargée de la démocratie, des droits de l'homme et du travail au département d'Etat avait conclu que les deux pays méritaient de rester dans cette liste, quitte à subir des sanctions - interdiction de recevoir une aide militaire, des armes ou des conseillers militaires - sauf dérogation de la Maison Blanche.
Et c'est encore le ministre américain des Affaires étrangères qui a rejeté une proposition sur l'ajout de l'Afghanistan à ladite liste, qui regroupe aussi les pays suivants : Irak, Birmanie, Nigeria, Soudan du Sud, Soudan, République démocratique du Congo, Rwanda, Somalie, Syrie et Yémen.
« L'Amérique d'abord » de Tillerson
Selon un responsable cité par l'agence Reuters, la décision de Rex Tillerson a pour objectif de ne pas compliquer la coopération américaine avec les troupes irakiennes et afghanes dans la lutte contre l'organisation Etat islamique et les talibans. De la pure realpolitik aux yeux des observateurs et des ONG.
Idem pour la Birmanie, qui s'ouvre et qui revêt une importance stratégique croissante pour les Etats-Unis, mais où Human Rights Watch estime qu'un retrait de la liste est « complètement prématuré et catastrophique, revenant à trahir des enfants et à les abandonner à une servitude constante et à des abus ».
Rex Tillerson se retrouve accusé de privilégier la sécurité et les intérêts des Etats-Unis aux droits fondamentaux. En vertu du Child Soldiers Prevention Act de 2008, Washington doit s'assurer qu'aucun enfant « n'est recruté, enrôlé ou forcé de quelque manière de servir comme enfant soldat ». Il fait fi.
L'actuelle administration avait pourtant d'autres leviers. Illustration avec l'Irak, ajouté à la liste en 2016 mais dont l'aide américaine n'a pourtant pas diminué, puisque des dérogations ont été régulièrement signées par Barack Obama, comme pour le Nigeria, le Soudan du Sud et... la Birmanie.
Tillerson, un ministre qui détonne
Il faut dire que l'isolement de Tillerson est tel qu'il commencerait à irriter jusqu'à la Maison Blanche. Obtenir un rendez-vous avec lui est presque plus difficile que de rencontrer Donald Trump. Rarement un secrétaire d'Etat aura été aussi inaccessible, commente notre correspondant Jean-Louis Pourtet.
Ses contacts avec les fonctionnaires du ministère sont quasi inexistants. Sa porte est barrée par un cerbère : sa cheffe de cabinet Margaret Peterlin, capable de refuser l'accès à son patron au secrétaire général de la Maison Blanche lui-même. Le ministre vit dans une forteresse, entouré d'une poignée de collaborateurs.
Pas sûr que la Maison Blanche désapprouve le signal envoyé par Rex Tillerson. En revanche, la présidence reproche la lenteur avec laquelle il remplit une multitude de postes vacants. Trump a une liste de donateurs qu'il aimerait récompenser avec une ambassade, mais il lui faut l'aval du département d'Etat.
Or, Tillerson veut personnellement avoir un entretien d'embauche avec deux candidats pour chaque poste à pourvoir. L'ex-PDG d'Exxon-Mobile n'est pas habitué aux exigences du monde politique. Ce qui l’intéresse, en bon manager venu du privé, c'est de restructurer le département d'Etat. A sa manière.
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