La déception est à la hauteur des attentes. L’histoire des Proies se déroule en pleine guerre de Sécession, dans le Sud profond. Hélas, cette matière reste dans le film malheureusement aussi insignifiante que l’histoire elle-même.
Tout démarre dans une forêt, en Virginie, en 1864. La guerre de Sécession fait rage depuis trois ans et les combats s’approchent. Une jeune fille avec des longues nattes chante une petite mélodie sur un chemin tunnel menant vers une clairière. Marie vient de cueillir des champignons quand elle tombe sur un soldat blessé à la jambe, un Nordiste, l’un de ces ennemis jurés qui ont tué son frère.
« Ravi d’être votre prisonnier »
Malgré tout, la fille montre son bon cœur de chrétienne et lui propose gentiment de l’emmener vers l’internat de jeunes filles. « Je suis ravi d’être votre prisonnier » déclare alors sans ciller le caporal John McBurney, incarné par Colin Farrell. Censé être gravement blessé, à l’écran il se montre plutôt en pleine forme. Nicole Kidman joue Miss Martha, la directrice de l’établissement lui offrant refuge et soin. Elle enlève les balles de plombs et recoud la plaie sans cri, sans encombre, comme Jésus marche sur l’eau.
La présence du soldat fera son effet sur les filles coupées du monde et visiblement en manque de présence masculine. Bientôt toutes les pensionnaires de l’internat tournent autour du beau caporal, cloué au lit. Le soldat du camp adverse, qui fait depuis trois ans la guerre à leurs frères et pères, s’est transformé en un claquement de doigts en charmeur sensible. Toutes les femmes se montrent séduites, de la plus jeune fille jusqu’à la courageuse directrice, prête à défendre ses filles avec le revolver de son père.
Un drame en costume très convenu
Avec Les Proies, Sofia Coppola a entrepris un remake très personnel du film culte de Don Siegel, réalisé au début des années 1970. Mais sa fascination pour Colin Farrell ne suffit pas à remplacer Clint Eastwood dans le rôle du soldat nordiste sauvé par les femmes du camp adverse. La réalisatrice américaine essaie d’insuffler une charge érotique à chaque respiration des jeunes filles. En revanche, la rivalité qui fera irruption au sein de l’internat n’est guère expliquée.
Cela reste un drame en costume très convenu, illustratif et démonstratif avec des femmes en chaleur sans profil. Les contradictions montées par Sofia Coppola restent particulièrement désincarnées : l’éducation ne donne pas de relief à la sauvagerie qui va se produire, la prière reste pâle comme l’ennemi du désir, l’hospitalité du Sud pour le Yankee n’étonne même pas. Et même quand les tensions sexuelles se retourneront contre le beau caporal, la vengeance des femmes semble artificielle. Le pensionnat isolé nous a menés vers un film hors sujet qui exauce ses propres dialogues : « Quel est le sens de toute cette souffrance ? » « Il n’y a pas de sens. »
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