Avec notre correspondante à Québec, Pascale Guéricolas
Le Premier ministre canadien et son équipe gouvernementale prennent très au sérieux l’arrivée à la Maison Blanche d’un nouveau président qui est tout sauf prévisible. La preuve : Justin Trudeau a remanié son gouvernement, un peu plus d’un an seulement après son arrivée au pouvoir. Parmi ses cartes maîtresses pour « séduire » son turbulent voisin, la nouvelle ministre des Affaires étrangères, l’étoile montante du gouvernement. Âgée de 39 ans, Chrystia Freeland dispose d’un épais carnet d’adresses, elle qui a fait ses études à la prestigieuse université américaine Harvard avant de travailler à New-York.
Cette ancienne journaliste économique a aussi écrit un essai très documenté sur la montée d’une classe sociale très riche dans le monde. Autrement dit, la ministre sait comment fonctionne le cercle d’hommes d’affaires autour de Donald Trump et le type de raisonnement qu’ils utilisent. Parmi ses faits d’armes récents, figure sa ténacité à obtenir un accord commercial entre le Canada et l’Union européenne (le CETA), à titre de ministre du Commerce international. Jusqu’au bout, Justin Trudeau lui a fait confiance, même quand l’issue des discussions semblait incertaine avec les Wallons.
Offensive de charme
Reste qu’il lui faudra sans doute beaucoup de doigté pour négocier avec l’imprévisible Donald Trump et aussi beaucoup de souplesse. Une chose est sûre, elle paraît disposer de grandes qualités diplomatiques par rapport à son prédécesseur. Elle remplace en effet Stéphane Dion à la tête du ministère, un professeur de politique connu pour ses positions cassantes et sa capacité à argumenter à l’infini pour obtenir gain de cause. Qui plus est, cet élu aurait sans doute eu des difficultés à négocier avec son homologue américain. Or, le Canada n’a pas vraiment les moyens de se fâcher avec son remuant voisin. Trois-quarts de ses exportations industrielles ou agricoles prennent le chemin des États-Unis chaque année, soit des échanges de deux milliards de dollars par jour. Le gouvernement de Justin Trudeau s’attend à une négociation autour des accords de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain NDLR), dont les termes remontent aux années 1990. Il voudrait, par exemple, pouvoir mieux exporter ses services vers le Sud.
Un autre moyen sur lequel comptent les Canadiens pour garder de bonnes relations avec les États-Unis se situe tout bonnement au plan des rapports humains. Des conseillers de Justin Trudeau, accompagnés de l’ambassadeur canadien aux États-Unis, ont passé quelques jours à rencontrer les proches de Donald Trump, dont son gendre Jared Kushner. Une offensive de charme pour nouer des liens avec l’équipe de transition qui dans quelques jours dirigera la Maison Blanche. Brian Mulroney, l’ancien Premier ministre canadien qui a signé l’ALENA avec les États-Unis et le Mexique en 1992, est lui aussi mis à contribution. Ce conservateur possède en effet une maison non loin de l’immense propriété de Donald Trump à Palm Beach, en Floride. Il est donc chargé de vanter les charmes du Canada auprès de son célèbre voisin.