Au Brésil, l'impitoyable lutte d'influence des barons de la drogue en prison

Près d’une centaine de détenus sont morts dans des mutineries à répétition, dans des prisons brésiliennes, depuis le début de l’année. Les autorités semblent débordées. La situation risque-t-elle de devenir incontrôlable ?

De notre correspondant à Rio de Janeiro,

Les prisons de la région amazonienne vivent un moment de grande tension. Les mutineries en série ont été extrêmement violentes, avec des corps décapités, démembrés, et plus d’une centaine d’évasions. Les autorités locales ont demandé de l’aide au gouvernement, qui a décidé d’envoyer des militaires, des troupes fédérales pour renforcer la surveillance des prisons.

Mais le directeur du complexe pénitentiaire où a eu lieu la mutinerie la plus sanglante, avec plus de 50 morts, a été suspendu de ses fonctions, mardi 10 janvier 2017 en fin de journée. Il est soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin de la part des gangs criminels, pour laisser entrer armes, portables et argent à l’intérieur de sa prison. Après la mutinerie, lors d’une fouille générale des cellules, de la drogue, un fusil, des dizaines de couteaux et même un routeur internet avaient été saisis.

Lutte d'influence au-dehors, mais aussi dans l'univers carcéral

Dans les prisons du Brésil, les gangs criminels semblent tout-puissants. Les centres d'incarcération du pays sont largement surpeuplés et insalubres. En Amazonie, il y a trois fois trop de détenus par rapport au nombre de places disponibles. Les gangs criminels s’y sont imposés, pour y faire régner l’ordre. La police dénonce régulièrement l’influence des chefs du trafic de drogue emprisonnés.

Ces derniers continuent de gérer leurs affaires derrière les barreaux. Ils bénéficient du jeu de la corruption et de l’absence d’agents pénitentiaires, qui ne rentrent bien souvent jamais dans les cellules surpeuplées. La récente vague de mutineries et de meurtres aurait ainsi été organisée par plusieurs gangs s’affrontant à l’extérieur des prisons pour le contrôle du trafic de drogue, notamment dans la région amazonienne. C’est en tout cas la thèse avancée par la police.

L'Amazonie est une zone de transit entre d'un côté les pays producteurs de cocaïne, comme le Pérou et la Bolivie, et de l'autre côté l’océan Atlantique. Depuis le début de l’année, sur place, deux gangs criminels très puissants s’affrontent : la « famille du Nord », bien implantée à Manaus et dans ses prisons, et le « premier commando de la capitale », originaire de Sao Paulo, très organisé, et qui tente d’agrandir sa sphère d’influence.

Le président Temer a promis de construire de nouvelles prisons

Dans les prisons brésiliennes, souvent délabrées, les droits fondamentaux des détenus sont rarement respectés. C’est ce que dénoncent de très nombreuses ONG de défense des droits de l’homme. A l’intérieur, petits et grands délinquants vivent ensemble. L’affiliation à un gang y est l’un des passages obligés pour les nouveaux arrivants.

Il y a quelques années, un ministre de la Justice brésilien avait provoqué une polémique en déclarant qu’il préférait mourir que de se retrouver derrière les barreaux, étant données les conditions infernales d’enfermement. Le président Temer a promis de construire de nouvelles prisons, de rénover et de mieux contrôler les établissements sensibles. Mais le cycle de violence va être difficile à enrayer. Les prisons brésiliennes semblent à présent hors de contrôle.

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