De notre correspondant à Buenos Aires
Si les deux hommes se sont longuement côtoyés lorsque François était l’archevêque de Buenos Aires et Mauricio Macri le maire de la capitale argentine, la rencontre ne devrait rien avoir de cordial.
En effet, lors de la première audience que le pape avait accordée au centriste Macri en février, l’accueil avait été glacial. La réunion n’avait duré que 22 minutes et, comme en témoigne la photo officielle, le président n’avait pu arracher un sourire au pape François. Manifestement, le courant passe mal entre les deux hommes. Mais il y a plus : pour beaucoup d’Argentins, le pape fait figure de premier opposant à Mauricio Macri.
Le pape François critique à l’égard du gouvernement argentin
En effet, s’il n’a pas remis les pieds dans son pays natal depuis qu’il a été élu pape en mars 2013, Jorge Bergoglio, aujourd’hui François, est très présent dans la vie politique argentine. Depuis Rome, il ne se prive pas de faire des déclarations publiques critiques sur la situation sociale du pays, qui sont largement reprises en Argentine.
Il intervient aussi à travers son successeur à l’archevêché, Monseigneur Mario Poli, qui a été l’un de ses plus fidèles collaborateurs, et d’autres membres de l’Église catholique argentine, qui ne cessent de réclamer que les autorités prêtent une plus grande attention aux exclus.
Par ailleurs, les associations qui ont rassemblé le plus de monde pour protester contre la politique économique libérale du gouvernement sont liées à l’Église. Et les péronistes, qui ont perdu le pouvoir suite à l’élection de Macri en décembre 2015, retrouvent une santé en ralliant la contestation derrière ces mouvements qui se réclament du pape.
Cette convergence entre l’opposition péroniste et une Église argentine qui reste sous l’influence du pape est moins surprenante qu’il n’y paraît. Le pape François est très proche du péronisme. Jeune évêque, Jorge Bergoglio a été à l’origine d’une doctrine sociale de l’Église qui s’inspire de ce mouvement politique et qui s’est imposée en Argentine à la fin des années 1970, avant d’être adoptée par la Conférence épiscopale latino-américaine. C’est aujourd’hui cette même doctrine qu’il prône depuis le Vatican. Lorsqu’il place le peuple, les pauvres et les exclus au centre de son discours, François fait en quelque sorte du péronisme.
Sous la présidence de Cristina Kirchner, cette proximité idéologique avait eu tendance à être oubliée, car les relations entre la chef de l’Etat et celui qui était alors archevêque de Buenos Aires étaient tendues. En réalité, Bergoglio ne faisait que défendre son indépendance face à une présidente qui souhaitait que tout son entourage lui fasse allégeance.
Mais une fois devenu pape, les rapports de force ont changé : Kirchner a reconnu la primauté de François et celui-ci l’a reçue longuement et chaleureusement à Rome. Rien à voir avec l’accueil crispé auquel son successeur a eu droit en février. Il faut dire aussi que Mauricio Macri est lui-même plus proche du bouddhisme que du catholicisme et que certains de ses conseillers se sont déclarés favorables à la légalisation de l’avortement, alors que Cristina Kirchner, fervente catholique, s’y est toujours opposée.
Le gouvernement et le Vatican jouent l’apaisement
Est-ce à dire que l’entretien entre Macri et le pape de ce samedi va mal se passer ? En tout cas, les deux côtés essaient de l’éviter. Le gouvernement argentin s’est mis à l’écoute de l’Eglise et a pris des mesures sociales. Par ailleurs, Macri a demandé l’audience après avoir confirmé sa présence à la canonisation d’un prêtre argentin, le père José Gabriel Brochero, qui aura lieu dimanche, et cet événement devrait rapprocher les deux hommes.
Enfin, le Vatican souhaite que le président du pays d’origine du pape ne soit pas moins bien traité que les autres chefs d’État qu’il reçoit. En Argentine, cette seconde rencontre entre les deux personnalités les plus populaires du pays est très attendue. Elle prend même des allures de test politique pour le président. Macri obtiendra sans doute un sourire de François, mais peut-être pas sa neutralité dans les affaires argentines.