Les électeurs vont devoir répondre par « oui » ou par « non » à la question : « Soutenez-vous l'accord final d'achèvement du conflit et de construction d'une paix stable et durable ? ».
Ce référendum, non obligatoire, a été voulu par le président colombien Juan Manuel Santos afin de donner, la « plus large légitimité » possible à l'accord qu'il a signé lundi avec le chef des FARC.
« Ce sont des délinquants, des terroristes »
Notre envoyée spéciale à Bogota, Véronique Gaymard, a rencontré un opposant à l’accord qui votera « non » dimanche, et une partisane du « oui ». Chacun explique les raisons de son choix.
Giovani Arias, un habitant de Medellín, la ville de l’ancien président Alvaro Uribe, est fermement opposé aux accords de paix avec les FARC. Il a été témoin de barrages des FARC sur la route. Il va voter « non » au référendum dimanche.
« Moi en tant que Colombien, bien sûr que je veux la paix, et je l’ai toujours voulue. Et ce n’est pas seulement à cause des opinions de l’ex-président Uribe qui appelle à voter pour le ‘’non’’, mais à cause de ce que j’ai vécu pendant ce conflit. La guérilla a laissé de côté son idéologie il y a longtemps, quand elle a commencé à pratiquer les extorsions, les enlèvements, la culture de la coca, son exportation, à avoir le pouvoir par la coca, par la drogue. Elle a cessé d’être une guérilla, maintenant ce sont des délinquants, des terroristes. Et en plus on va les récompenser ! Des types qui ont tué, enlevé, violé et ils vont continuer. »
Et Giovani Arias ajoute que pour lui cet accord de paix est « le plus grand mensonge » qui est arrivé au pays depuis l’arrivée au pouvoir de Juan Manuel Santos. « Il a donné le pays à ces délinquants », dit-il. « D’abord, il faut que les guérilleros, du plus gradé à celui au plus bas de l'échelle, payent derrière les barreaux pendant des années. »
Dans l’Etat d’Antioquia, l’ex-président Alvaro Uribe Velez, fer de lance de la campagne pour le « non » au referendum, conserve un grand charisme, et la population semble majoritairement vouloir suivre ses consignes de vote. Il est ainsi probable que dans cette région et dans la capitale de l’Etat à Medellin, le « non » l’emporte.
Croire à l’accord de paix
Et puis il y a ceux qui optent pour le « oui » puisqu’ils veulent croire à l’accord de paix. Parmi eux, Yirley Velazco, qui a vécu le conflit dans sa chair, dans le village d’El Salado, dans les Montes de Maria, théâtre de terribles massacres en l’an 2000 qui ont fait plus de 60 morts.
Yirley Velazco avait 14 ans quand un groupe de paramilitaires l’ont violée pendant plusieurs jours, des viols qu’ils n’ont jamais reconnus lors de leur démobilisation. Depuis, elle a monté une association pour lutter contre la violence faite aux femmes. Et elle veut croire dans cet accord de paix.
« Je me suis mise à lire très sérieusement tous les points des accords de paix. Et il y a cinq points clés qui s'ils sont respectés traitent directement de la question des femmes. Parmi eux, les violences sexuelles et l’égalité de genre sont bien mentionnées, donc pour moi, ces accords sont positifs. Je pense vraiment que si nous disons ''oui'', les choses peuvent changer. Parce que c’est désormais écrit, ce sont des accords qui ont été signés, et s’ils ne sont pas respectés, nous serons vigilantes pour leur dire, ''attention''. Ces points en particulier sur les femmes viennent de nous-mêmes, de notre lutte. Des femmes sont allées à La Havane, elles ont participé aux dialogues lors des négociations, et c’est grâce à cela que nous avons ces points inclus dans l’accord, donc je pense que ce serait très positif que cela fonctionne, pour ça il faut qu’on vote "oui". Maintenant, la question qu’on se pose tous c’est : qu’est-ce qui va se passer avec les autres groupes armés ? Car il faut aussi voir le point négatif : ces groupes sont toujours là. »
Si la paix est votée dimanche, les FARC déposeront les armes et se démobiliseront, sous supervision de l'ONU, pour se convertir en organisation politique légale.
Indemnisation des victimes
D'ailleurs, la guérilla a déjà fait des gestes en ce sens. Elle a par exemple effectué, ce vendredi, une première remise de 620 kilos d’explosifs, détruits par la mission de l’ONU qui supervise l’application des accords. A la veille du referendum, les FARC ont surtout fait une annonce importante : ils assurent qu’ils vont indemniser les victimes du conflit avec l’argent qu’ils ont accumulé à la guerre. La guérilla s’engage aussi à déclarer au gouvernement le montant de toutes ses ressources, issues tout au long de ces années du trafic de drogue, des extorsions, des enlèvements, et des mines illégales. Une fortune dont on ne connaît pas le chiffre exact.
Beaucoup de Colombiens critiquaient le fait que la guérilla ne débourserait pas un centime pour les réparations aux victimes. Ces déclarations des FARC un jour avant le referendum ont pour objectif de convaincre les Colombiens à voter pour le « oui ».
→ A (RE)LIRE : La Colombie et les FARC ont signé l'accord de paix historique