« La vie des Noirs compte... Arrêtez de nous tuer ! » : voilà les slogans qui sont revenus le plus souvent dans cette manifestation spontanée sur le lieu de la fusillade à Charlotte, en Caroline du Nord. Après minuit, des violences éclatent. Aux jets de pierres et de bouteilles, la police répond à coup de grenades lacrymogènes.
Plus tard, certains manifestants décident de bloquer un axe routier. Ils ouvrent des remorques de camions, en sortent les cargaisons et y mettent le feu. Résultat de ces affrontements: 12 policiers blessés. Et beaucoup de questions qui restent sans réponse : Keith Lamont Scott, l'Afro-Américain de 43 ans abattu par un policier noir, était-il armé comme l'affirment les autorités? Selon sa famille, il portait un livre. Mais selon la police, la victime dont l'arme a été retrouvée dans la voiture représentait « une menace mortelle immédiate » pour les officiers qui l'ont interpellé.
Appel au boycott de « l'économie blanche »
Les autorités ont promis une enquête approfondie. Il n'est pas sûr que cela calme la colère de la communauté afro-américaine. Chose rare, la famille de Keith Lamont Scott n'a pas appelé au calme, rapporte notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio. Lors de la conférence de presse des personnalités de la communauté noire de Charlotte, B. J. Murphy, l'un des leaders des musulmans de la Nation of Islam a au contraire promis des émeutes et a appelé la communauté afro-américaine à boycotter « l'économie blanche ». « Nous appelons à un boycott économique de la ville de Charlotte. Il ne faut pas dépenser un centime chez les Blancs qui ne nous respectent pas ! Gardez votre argent ! Il faut que ces gens souffrent économiquement, comme nous souffrons physiquement quand ils nous tuent ! » a clamé B. J. Murphy.
Le mouvement « Buy Black », « acheter noir » est né à Atlanta à la faveur des émeutes contre la violence policière, voilà quelques mois. Inspiré du mouvement des droits civiques des années 1960 aux Etats-Unis, il prend de l'ampleur alors que le malaise grandit depuis deux ans entre une communauté qui se sent discriminée et des forces de police qui, manifestement, ne savent pas comment faire face. Depuis le début de l'année, plus de 700 personnes ont été tuées par les forces de l'ordre, dont 163 Afro-Américains, selon le Washington Post.
Les tensions raciales s'invitent dans la campagne
Les relations difficiles de la communauté afro-américaine avec la police font la Une des journaux aux Etats-Unis depuis deux ans. Après les deux derniers incidents de violence policière, à Tulsa Oklahoma et Charlotte en Caroline du Nord, les deux candidats à la présidentielle ont dû prendre publiquement position une nouvelle fois.
Alors que la mort d’un automobiliste noir dans l’Oklahoma semble être une bavure, vidéo à l’appui, le cas de Charlotte est moins clair.
Le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump, en campagne en Caroline du Nord, est resté dans sa stratégie de séduction de la communauté noire qui le boude.
Il a prononcé dans une église afro-américaine, un discours déjà entendu, proposant à ses hôtes d’essayer une « présidence Trump » pour obtenir un réel changement.
« Regardez nos centre-ville, vous n’avez aucune éducation, vous n’avez pas de travail, on vous tire dessus dans la rue. Franchement, l’Afghanistan est plus sûre que certains de nos centres-ville », a déclaré Donald Trump.
La candidate démocrate Hillary Clinton était en Floride, autre Etat indécis et précieux dans la course à la Maison Blanche. La candidate, qui a rendu hommage aux forces de l’ordre, est toutefois restée dans l’empathie avec la communauté noire qui devrait voter pour elle en majorité.
« Deux noms sont à ajouter à la liste des Afro-Américains tués par des policiers lors d’interpellations. C’est insupportable et cela doit devenir intolérable », a pour sa part déclaré Hillary Clinton.
Le sujet des violences policières s’est rappelé aux candidats, et le problème est loin d’être réglé. A Tulsa la famille qui demande justice appelle au calme. A Charlotte, certains leaders de la communauté noire veulent organiser un boycott de l’économie locale.