Bolivie: polémique sur une vidéo des derniers instants du vice-ministre Illanes

Il y a deux semaines, le vice-ministre de l’Intérieur bolivien, Rodolfo Illanes, était retrouvé mort après avoir été séquestré et torturé. L’homme a certainement été tué par des mineurs en colère qui bloquaient la principale route du pays, protestant contre la nouvelle loi sur les coopératives. Alors que l’enquête est en cours, des vidéos font le tour de la Toile ces jours-ci. Elles montrent les dernières heures du vice-ministre.

Avec notre correspondante à La Paz,  Alice Campaignolle

Sur la dernière vidéo mise en ligne, il y a trois jours, le vice-ministre, en vie et, semble-t-il en bonne santé, appelle son ministre de tutelle, Carlos Romero, et lui explique la situation : « Je suis pris en otage, camarade ministre ». Alors qu’il était venu négocier avec les mineurs il a été enlevé, puis torturé « pendant plusieurs heures », selon le rapport d’enquête. 

Les conflits sociaux en Bolivie sont fréquents, et souvent violents. Les blocages de route par les mineurs coopérativistes ou les jets de pierre et les explosions de dynamite sont monnaie courante. Depuis deux mois, les mineurs exigent la modification de la loi minière et entre autres l’impossibilité pour une entreprise étrangère d’investir dans les mines boliviennes. Les tensions autour de cette mobilisation n’ont fait qu’augmenter pendant plusieurs semaines, jusqu’à la mort du vice-ministre, le 26 août. 

Embarras du gouvernement

Une autre vidéo de Rodolfo Illanes avait fait le tour des réseaux sociaux et des médias quelques jours après son décès. L’homme politique y supplie au téléphone un membre du gouvernement pour demander le départ des forces de police, venues sur les lieux, à 180 kilomètres de La Paz, pour tenter de lever le blocage formé par les grévistes. Rodolfo Illanes est entouré par des dizaines de mineurs, et l’on entend l’un d’entre eux crier : « Dix minutes, pas plus. Sinon, ce sera un carnage ».

Le ministre de l’Intérieur, Carlos Romero, a été obligé de s’expliquer. A-t-il suivi les instructions données par le vice-ministre pour éviter qu’on ne lui fasse du mal ? A-t-il ordonné tout de suite aux forces de police de se retirer quand il a su que Rodolfo Illanes était séquestré ? Ce sont quelques-unes des questions gênantes auxquelles il a eu à répondre après la diffusion de ces images.

Bataille d'opinions sur Twitter

Ces documents sont inestimables pour l’enquête judiciaire. Une des vidéos a été diffusée sur Facebook par Carlos Valverde, un journaliste bolivien exilé en Argentine depuis quelques mois. Le gouvernement l’a pressé de révéler ses sources. Il a refusé via Periscope, réseau sur lequel il a diffusé un long message dans lequel il explique qu’il n’a rien à dire à la justice et que ces images révèlent l’incapacité du gouvernement à gérer une crise. 

Les internautes s’affrontent par tweets interposés. Pour certains, ces vidéos montrent la brutalité et la sauvagerie des mineurs. Le terme « sauvage » est souvent utilisé pour qualifier les grévistes. Pour d’autres, les vidéos indiquent clairement que le gouvernement a abandonné le vice-ministre à son sort.

En réponse à ces critiques, Evo Morales s’est fendu d’un tweet hier, qui vise notamment les membres de l’opposition. Il leur reproche de récupérer politiquement la mort de Rodolfo Illanes. Sa mort a immédiatement mis fin aux blocages qui paralysaient le pays et permis au président de récupérer 31 concessions minières. 

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