Haïti face à l’afflux de milliers d’expulsés de République dominicaine

Depuis le 17 juin, plus de 17 000 personnes sont arrivées en Haïti. Chaque jour, plusieurs dizaines de personnes en situation irrégulière sont expulsés manu militari de République dominicaine. La majorité est composée de femmes et d'enfants. Dans les centres d’accueil improvisés en Haïti, la situation humanitaire devient problématique.

Avec notre correspondante à Port-au-Prince,   Amélie Baron

« J'allais au travail et [les policiers dominicains] m'ont arrêtée à 6h du matin, sans que je sache pourquoi. Ils m'ont dit : "Retourne dans ton pays. Vas retrouver le président Michel Martelly, on n'a plus besoin des Haïtiens". Ils m'ont dit que les Dominicains n'ont pas le même sang et que je devais aller retrouver ceux de mon sang en Haïti. "Que vous ayez des papiers ou non, retournez chez vous".»

Dans la petite école haïtienne qui sert de refuge aux expulsés de République dominicaine, Beltha Désir livre son témoignage tout en nourrissant sa fille de 10 mois au sein. Séparée du reste de sa famille depuis l’arrestation, elle ne quitte plus son enfant, ne serait-ce qu’une seconde. « J'ai trois enfants, mais les deux plus grands sont avec leur père. Mon mari ne sait pas que je suis en Haïti. Cela fait six jours que je ne les ai pas vus et depuis, je n'ai pu parler ni à mes enfants, ni à mon mari, parce qu'ils n'ont pas de téléphone », s’inquiète cette mère de famille âgée de 30 ans. Beltha Désir s’inquiète aussi pour la santé de son bébé, resté avec elle.

Comme elles, 170 personnes, dont 95 enfants, vivent actuellement dans les trois salles de classe de la petite école. Ils n’ont pas d’eau courante et manquent de nourriture. Et depuis leur arrivée, aucun médecin n’est encore venu pour des consultations.

Des dizaines d'arrivées chaque jour

Les autorités de République dominicaine continuent d’affirmer que la police et l’armée ne procèdent, pour le moment, à aucune expulsion d'immigrants haïtiens en situation irrégulière. Mais chaque jour, des dizaines de personnes sont déposées par l'armée à la frontière avec Haïti, parfois au milieu de la nuit. Ces personnes, en majorité des femmes et des enfants, voient leurs droits bafoués et se retrouvent livrées à elles-mêmes.

L’afflux à la frontière a démarré le 17 juin dernier, après l’expiration du plan d’enregistrement des « étrangers » mis en place par les autorités dominicaines à la suite d’une décision de la Cour suprême, en 2013, de remettre en cause la nationalité de plusieurs centaines de milliers de descendants d’Haïtiens. Depuis, plus de 17 000 personnes sont arrivées en Haïti.

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