Arrêté quatorze heures après avoir ouvert le feu mercredi dans cette église méthodiste, Dylann Roof est mis en examen pour assassinats et possession d'arme à feu. Pour cette première audience, de pure forme, il n'a pas pu être présent physiquement au tribunal de Charleston, devant le juge James Gosnell, mais en liaison vidéo depuis la prison où il est détenu depuis son arrestation.
Décrit comme un solitaire, nostalgique de l'apartheid et prêt à la « guerre raciale », le jeune homme a reconnu devant la police être l'auteur de cette tuerie raciste, la pire aux États-Unis depuis des décennies. À l'issue de cette première comparution, le juge a décidé de maintenir le jeune homme en détention. Son avocat a décliné toute forme de caution.
Il a rechargé son arme cinq fois
À Washington, le ministère de la Justice a précisé qu'il allait enquêter pour savoir s'il s'agit non seulement d'un crime motivé par la haine, mais aussi d'un « acte de terrorisme intérieur ». « Cet épisode bouleversant était sans aucun doute destiné à semer la peur et la terreur dans cette communauté et le ministère considère ce crime avec toutes les perspectives possibles », a déclaré Emily Pierce, directrice de la communication du département.
Selon la police, Dylann Roof est resté assis parmi les fidèles de l'Emanuel African Methodist Episcopal Church de Charleston pendant près d'une heure avant d'ouvrir le feu, tuant six femmes et trois hommes. Malgré les supplications de ses victimes, il a rechargé cinq fois son arme, a témoigné un rescapé.
Le pardon déchirant des familles
Dylann Roof, ne manifestant aucune émotion, a dû écouter, mais sans les voir, les parents de certaines des victimes qui tout en exprimant leur profond chagrin ont témoigné à son égard d’une remarquable capacité à pardonner, rapport notre correspondant à Washington, Jean-Louis Pourtet: C’est notamment le cas de la mère de Tywanza Sanders, la plus jeune victime, âgée seulement de 26 ans. « Tu as tué l’une des plus belles personnes que je connaisse, maiscomme nous le disions dans notre classe d’études bibliques, que Dieu ait pitié de ton âme. »
« Même si mon grand-père et les autres victimes sont tombés sous les mains de la haine, tous ces appels à la miséricorde pour ton âme sont la preuve qu'ils ont vécu dans l'amour », a déclaré à l'audience la petite-fille d'une autre de ses victimes, le révérend Daniel Simmons, qui était âgé de 74 ans.
Lors de sa confession à la police, Dylann Roof a dit qu’il avait un moment hésité à tuer les membres de l’église Emmanuel, car il avait été touché par la chaleur de leur accueil, et puis il s’est ravisé. Des veillées du souvenir ont eu lieu la nuit dernière, outre à Charleston, dans plusieurs villes américaines, pour honorer la mémoire des disparus.
Evoquant le massacre de Charleston, le président des Etats-Unis Barack Obama a fustigé le Congrès pour n'avoir pas voté une loi plus stricte sur le contôle des armes :
« Plus de 11 000 Américains ont été tués par des armes à feu pour la seule année 2013. Onze mille. Si le Congrès avait adopté quelques réformes de sécurité de bon sens après Newtown, après qu'un groupe d'enfants a été abattu dans sa classe - réformes qui avaient le soutien de 90 % des Américains -, nous n'aurions pu éviter tous les actes de violence. Nous ne savons même pas si nous aurions pu éviter ce qu'il s'est passé à Charleston. Aucune réforme ne peut garantir l'élimination de la violence. Mais nous pourrions avoir quelques Américains de plus avec nous, nous aurions pu stopper un tireur, certaines familles ne seraient pas en deuil. Nous pourrions même assister à moins de funérailles. Et nous devrions être suffisamment forts pour le reconnaître. »