De notre envoyé spécial dans les Caraïbes, Florent Guignard
« Historique ». Le mot est souvent galvaudé, et François Hollande en a usé, presque abusé, tout au long de sa tournée caribéenne. Historique d’abord à l’inauguration en Guadeloupe du Mémorial ACTe sur la traite des Noirs ; historique aussi à bien des égards aussi à son passage à Cuba. François Hollande assume sa rencontre avec Fidel Castro, lui qui ne peut vraiment pas être soupçonné de « gauchisme ». Le chef de l'Etat français a d'ailleurs réagi, en Haïti, à la polémique déclenchée par la droite (voir notre revue de presse) sur sa rencontre avec le père de la révolution cubaine, resté au pouvoir entre 1959 et 2008 avant de laisser sa place à sa frère Raul :
« Pouvais-je venir à Cuba, parler de partenariat, parler d'avenir, et ignorer l'histoire, ignorer les quarante années pendant lesquelles Fidel Castro a été responsable du pays, avec ce que l'on sait ?, a demandé M. Hollande. Aurais-je pu ne pas accepter de le rencontrer ? Mais ça aurait été, justement, une des façons, en ignorant le passé, d'ignorer les possibilités de l'avenir ! Donc, le sens de ce voyage n'était pas de donner un blanc-seing à qui que ce soit, c'était de pouvoir créer entre la France et Cuba une nouvelle étape de partenariat et faire ensuite que le blocus puisse être levé et que Cuba puisse être pleinement une île ouverte au monde. »
François Hollande avait visiblement à La Havane du plaisir à être le président des « premières ». Il y a bien, chez lui, une intuition diplomatique. Et il n’était pas peu fier de ce coup qui devrait permettre à la France, c’est en tout cas ce qu’il espère, d’être bien placée pour accompagner l’ouverture économique cubaine.
Le séjour caraibéen de François Hollande a revêtu un caractère historique, enfin, avec ce passage en Haïti, mardi. L’étape de Port-au-Prince, initialement, n’était pas prévue, mais il y avait une cohérence, après l’inauguration du Mémorial ACTe, à se rendre dans ce pays où les esclaves, il y a plus de deux siècles, se sont libérés de leurs chaînes. C’est justement sur cette question de la dette française à l’égard d’Haïti que François Hollande était particulièrement attendu. C’est lui, dimanche en Guadeloupe, qui a rouvert le dossier éminemment sensible des réparations. Sa formule très ambiguë - on peut même dire sa bourde - sur l’acquittement de la dette de la France vis-à-vis d’Haïti a réveillé chez une partie des Haïtiens un sentiment anti-français.
Alors, François Hollande parlait bien de « dette morale » et non pas financière, une dette morale que la France va honorer, avec la bénédiction de son homologue haïtien, grâce à un plan de modernisation du système éducatif, même si la somme annoncée - 50 millions d’euros - peut paraître modeste. En Haïti comme en France, en tout cas, François Hollande mise sur la symbolique de la jeunesse. Et cette première visite officielle d’un président français en Haïti, ces « retrouvailles » pour reprendre le mot du président haïtien Michel Martelly, lui a permis d’annoncer les bases d’une relation qu’il espère apaisée, résumée en une formule martelée par François Hollande : « On ne peut pas changer l’histoire mais on peut changer l’avenir. »
→ À relire : Après Manille, l'appel de Hollande à Fort-de-France pour le climat