Avec notre correspondante à Washington, Anne-Marie Capomaccio
Les faits se sont déroulés samedi 4 avril, à North Charleston, en Caroline du Sud, mais l’affaire a été révélée par une vidéo diffusée par nos confrères du New York Times ce mardi 7 avril. Réalisée par un témoin, la vidéo montre Walter Scott, un homme noir de 50 ans, fuir devant un policier blanc en uniforme qui le poursuit, arme à la main.
La course dure quelques secondes. L’officier ralentit et tire à huit reprises dans le dos de Walter Scott. L’homme s’effondre. On voit ensuite le policier s’approcher de l’homme à terre, et lui passer des menottes dans le dos.
La première version de l’officier est classique : un automobiliste arrêté lors d’un contrôle routier a résisté. Il a pris la fuite après lui avoir volé son Taser. Thomas Slagger affirme avoir tiré, car il se sentait menacé. Mais cette version ne résiste pas au visionnage de la vidéo, Thomas Slager vient d’être mis en examen pour meurtre. Il a « illégalement et avec préméditation tué la victime », lit-on dans le mandat d’arrêt le concernant. Il risque la peine de mort ou 30 ans de prison.
«Je veux que les policiers rendent des comptes»
« Si un témoin n’avait pas filmé la scène, l’affaire aurait été enterrée ». Le frère de la victime a fait une brève déclaration publique ce mercredi matin, pour dire sa peine et sa colère. Anthony Scott met l’accent sur le débat qui anime les médias américains : si cette vidéo n’avait pas été envoyée au New York Times, son frère serait mort sans que personne n’y prête attention, et surtout sans que la version du policier ne soit remise en question. « L’Amérique doit savoir que nous voulons que cela cesse ! Je veux que les policiers rendent des comptes. Ils doivent savoir que s’ils recommencent, quelqu’un sera peut-être là pour les voir ».
Une foule manifestait dans les rues de Charleston Nord ce matin, criant les slogans que l’on connait depuis les manifestations contre les violences policières de Ferguson, Staten Island ou Cleveland : « les vies noires comptent ».
« J’ai regardé cette vidéo et ce que j’ai vu m’a rendu malade », a dit le chef de la police de Charleston Nord. L’homme était encore très choqué mercredi, lors de la brève conférence de presse qu’il a tenue en compagnie du maire de la ville. Le policier que l’on voit tuer Walter Scott sur ces images est en détention. Il ne fait plus partie de la police. Le FBI et le ministère de la Justice sont chargés de l’enquête, afin d’éviter tout conflit d’intérêt.
Police surarmée
Le maire a par ailleurs annoncé que tous les policiers de la localité seront désormais équipés de caméras au corps. Les responsables locaux ont manifestement pris la mesure de ce qui s’est passé dans leur ville. Ils ont rendu visite à la famille de la victime. Les décisions sont intervenues rapidement et elles sont sévères, mais cela n’a pas apaisé la communauté africaine américaine.
L'historien François Durpaire, spécialiste des Etats-Unis, revient sur les causes de ces multiples « bavures » policières : « Il y a d'abord la question du préjugé et de la surreprésentation des Blancs et une sous-représentation des minorités à l'intérieur de la police. La deuxième question est celle du surarmement de cette police, notamment des armes lourdes venant de conflits en Irak et en Afghanistan et qui étaient recyclées par des polices municipales en incapacité d'utiliser ces armes ».
« Et puis, nous déclare encore François Durpaire, il y a aussi la question de la culture de l'arme à feu aux Etats-Unis. Lorsqu'on interpelle quelqu'un dans ce pays, l'exception est le fait que la personne ne soit pas armée »...