L’art au centre du prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes

C’est un combat pour la défense de la création des femmes qui a été honoré par le prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes 2015, remis ce vendredi 9 janvier à Paris à une institution, le National Museum of Women in the Arts à Washington, le seul grand musée au monde entièrement dédié à la créativité artistique des femmes. Quelle est la signification de ce prix pour les femmes dans l’art, mais aussi pour la situation des femmes après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo ? Deux entretiens avec la présidente du jury, Josyane Savigneau [en audio], et avec Susan Fisher Sterling, directrice du musée lauréat dédié aux femmes dans les arts.

RFI : Quelle est la signification de ce prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes 2015 pour votre National Museum of Women in the Arts ?

Susan Fisher Sterling : Ce prix pour notre musée signifie que nous avons vraiment rempli notre mission. Cela veut dire que nous avons réellement réalisé un travail important pour continuer ce travail que Simone de Beauvoir avait commencé avec sa carrière en tant qu’écrivaine et philosophe. Ainsi nous nous appuyions sur d'excellentes épaules et nous avons réussi à atteindre notre but. Après 27 ans d’existence, c’est très significatif pour nous.

Vous proclamez que votre musée dédié aux femmes dans les arts existe justement parce qu’il y avait une Simone de Beauvoir.

Parce que Simone de Beauvoir était la première femme qui a désigné et développé la notion que les femmes devaient créer leurs propres espaces, faire leur travail, décider sur leur droit de reproduction pour être reconnu comme des êtres humains à part entier. Mon espoir est que dans ce troisième millénaire la vision de Simone de Beauvoir se réalise.

Le National Museum of Women in the Arts est le seul musée au monde entièrement dédié aux créations artistiques des femmes. Fondé en 1981, ouvert au public en 1987, quels sont les influences et les impacts de votre musée sur la création des femmes et la création artistique en général ?

Nous sommes le seul grand musée de ce genre, il y a quelques musées plus petits, en particulier en Allemagne. Notre musée est devenu un standard, un repère, une institution qui montre du grand art. Ainsi nous influençons le monde par notre existence. Au-delà, notre musée a une responsabilité spécifique de faire encore plus. Nous avons lancé de nouvelles initiatives pour l’art des femmes et le changement social. Cela nous permet d’élargir nos actions et d’assurer qu’il n’y a pas seulement les femmes dans des nations privilégiées et qui ont déjà développé une certaine forme de féminisme qui en profitent, mais que les femmes d’autres nations aussi puissent profiter de nos expériences de liberté.

En France, ces dernières années, il y avait plusieurs événements culturels pour rendre visibles les créations artistiques des femmes. En 2009, par exemple, il y avait l’exposition elles@centrepompidou entièrement dédiée aux femmes dans l’art, et actuellement il y a les expositions Niki de Saint-Phalle au Grand Palais et Sonia Delaunay au Musée d’art moderne de la ville de Paris [où avait lieu la remise du prix Simone-de-Beauvoir pour la liberté des femmes] pour faire sortir ces artistes de l’ombre de leurs maris. Que reste à faire ?

L’année prochaine, il y aura une grande exposition sur Élisabeth Louise Vigée Le Brun au Grand Palais [du 23 septembre 2015 au 11 janvier 2016]. Ces grandes expositions sont très importantes, parce qu’elles suscitent beaucoup d’intérêt chez le grand public. Mais quand vous regardez les statistiques de près, vous allez découvrir que des expositions sur des artistes femmes restent une minorité comme sur le marché d’art ou dans les galeries. Et dans les musées, elles sont même encore moins représentées. Tout cela reste à faire. Parfois, j’ai l’impression que c’est un projet pour les prochains cent ans, mais on est prête pour le réaliser [rires].

Vous avez reçu ce prix dans un contexte très particulier. Dans l’attaque contre Charlie Hebdo il y avait douze morts, dont une femme. Et à une autre membre de Charlie Hebdo, l’un des terroristes avait dit : « Tu ne seras pas tuée. On ne tue pas des femmes, mais tu réciteras le Coran. » Cet attentat nous concerne tous, mais est-ce que c’est aussi une question concernant particulièrement la liberté des femmes ?

J’ai le sentiment que les attaques contre Charlie Hebdo sont reliées aux oppressions des femmes. Comme beaucoup de gens, je crois, qu’il s’agit d’une mauvaise interprétation du Coran et de l’Islam. Un jour, j’espère que l’oppression des femmes par des islamistes, la violence exercée contre les femmes et leurs expressions créatives seront terminées. J’ai l’impression que les deux sont liées dans un cycle de violence. Quand les femmes seront moins oppressées et quand elles auront une voix, elles s’exprimeront partout dans le monde à travers leurs arts sans avoir peur.

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► National Museum of Women in the Arts, à Washington, D.C.

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