Avec notre envoyée spéciale en Colombie, Véronique Gaymard
Puente Nayero est à deux pas du centre ville. Un pont remblayé de terre, des maisons en bois et plastiques sur pilotis, et deux rues de planches perpendiculaires à la mer. Ici vivent des pêcheurs que la municipalité veut reloger ailleurs. Car Buenaventura, c’est le grand port colombien sur le Pacifique, qui doit se développer. Ici aussi, des bandes rivales appelées La Empresa, los Urabeños ou encore los Gaitanistas s’affrontent pour le contrôle du territoire. Des maisons ont été utilisées pour découper des victimes, terroriser la communauté et les faire fuir.
La paix, et rien que la paix
Depuis deux mois, les habitants de Puente Nayero se sont organisés en zone humanitaire et ont chassé les groupes armés. Ici, on veut parier sur la paix encore fragile, comme William, 21 ans : « Santos dit qu’il ne veut plus de guerre, qu’il veut la paix, donc en tant que président, s’il le promet il faut qu’il s’y tienne. On verra si les aides qu’il a promises vont arriver, s’il n’en supprime pas certaines, et s’il nous envoie plus de protection dans les zones humanitaires car en tant que président, il peut le faire ».
Orlando Castillo est à l’origine de cette zone de paix, avec le soutien de la Commission inter ecclésiale Justice et paix. Récemment menacé de mort, il veut voter pour la paix : « Assez de cette guerre qui dure depuis 50 ans ! On a besoin d’une paix durable, mais surtout une paix avec justice sociale et transformation de la société ».
A Buenaventura, des militaires et des policiers patrouillent, et les menaces continuent.
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Trêve fragile à Toribio
Pour arriver à Toribío, à l'intérieur des terres dans le département du Cauca, il faut grimper dans la montagne, passer devant des plantations de coca, des serres qui abritent des plants de cannabis. Tout au long du chemin, des inscriptions « Farc, sixième front », toutes fraîches du 50e anniversaire de leur mouvement. Sur la place centrale, des marques de balles, et à côté du poste de police transformé en bunker, des habitations calcinées par les tirs venus de la montagne.
Depuis deux mois, la situation s’est calmée. Mais ici les balles crépitent régulièrement. Luis Alfredo a 19 ans, il va voter pour Juan Manuel Santos. « Si Zuluaga gagne, il n’y aura plus de processus de paix et comme il ne veut pas négocier, ils vont s’affronter ici à Toribío, explique t-il. Parce qu’autour c’est une zone de guérilla. Il faut voter Santos même si on n’en a pas envie, mais c’est le moins pire. Il faut voter, pour ne pas laisser nos voix à d’autres, ni voter blanc, ou nul, ce serait une erreur, il faut voter, le futur dépend de nous ».
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Sumaria, mère de famille dont la maison tremble à chaque tir, doute de cette paix qu’on lui promet : « Pour l’instant on est tranquille, mais je ne crois pas qu’il y aura la paix, on a vu tellement de violence, de guerre ! Et les candidats qui se chamaillent, la guerre, la paix, et nous on ne sait pas si on est dans la paix ou dans la guerre ».
A Toribio, la trêve est fragile. Mardi, une attaque de l’armée aurait tué deux membres des Farc, non loin d'ici.