Avec notre correspondant à Buenos Aires, Jean-Louis Buchet
Le premier cas a eu lieu à Rosario le 22 mars dernier quand un jeune de 18 ans qui avait volé le sac à main d’une femme dans la rue, a été roué de coups par des témoins du vol. Le jeune homme est mort quatre jours plus tard à l’hôpital. Depuis, c’est comme si un verrou avait sauté aux quatre coins du pays, de Buenos Aires à La Rioja et de Cordoba à Rio Negro, des voleurs présumés ont été tabassés. Une quinzaine de cas au total, sans qu'aucun nouveau mort ne soit à déplorer. A Rosario, encore une fois, deux motards ont été pourchassés et battus pour leur participation supposée à un vol, alors que les événements ont démontré par la suite qu'ils n’avaient rien à voir avec ce larcin.
Par rapport aux 40 millions d’habitants que compte le pays, ces faits restent isolés. Mais on sent que cela peut prendre n’importe où et à tout moment. Dans certains quartiers on a vu fleurir des pancartes portant l’inscription : « Voleur, si on te prend, on te lynche ! ».
Montée de la délinquance
Par rapport à d’autres pays d’Amérique Latine, comme le Brésil ou le Venezuela, l’Argentine reste un pays relativement sûr. Mais il est vrai que la délinquance a augmenté au cours des dernières années et qu’elle est devenue plus violente. Il arrive que l’on tue pour voler un portable ou une mobylette, même quand la victime ne résiste pas. Une montée de la violence en partie liée à la pénétration dans le pays des cartels de drogue mexicains et colombiens et à l’usage de stupéfiants par les délinquants, eux-mêmes de plus en plus jeunes.
Dans les banlieues des grandes villes, ils semblent opérer en toute impunité parce que la police est absente, inefficace, voire complice. C’est surtout là qu’ont lieu ces lynchages. Pour l’opposition, qui les condamne bien sûr, ces faits s’expliquent par l’exaspération d’une partie de la population qui se sent abandonnée par l’Etat. Les autorités, de leur côté, accusent les médias ainsi que l’opposition de jeter de l’huile sur le feu. En réalité, le gouvernement est bien embarrassé. De plus, si tout le monde condamne les lynchages, le débat sur l’insécurité est pollué par la proximité des présidentielles de 2015.
Le seul qui ait fait quelque chose jusqu’ici, c’est Daniel Scioli, le gouverneur de la province de Buenos Aires, la plus importante du pays. Samedi, il a décrété l’état d’urgence sécuritaire dans sa province et annoncé une importante augmentation des moyens mis à la disposition de la police. Daniel Scioli est un présidentiable et il veut sans doute démontrer qu’avec lui les choses changeraient. Mais cela aura peu d’effet dans l’immédiat sur les délinquants, comme sur ceux qui prétendent les lyncher.