Allemagne: malgré l'affaire Snowden, Angela Merkel reste populaire

Les révélations du lanceur d’alerte Edward Snowden montrant que l’Allemagne était une cible centrale pour les autorités américaines ont provoqué un vaste débat dans le pays. Mais, au-delà de l’émotion et de la recherche de la vérité, l’affaire est avant tout instrumentalisée par la classe politique à six semaines des élections législatives.

De notre correspondant à Berlin

L’ampleur prise par les révélations liées à l'affaire Snowden a été particulièrement visible en Allemagne. Il y a d’abord la sensibilité très forte des Allemands pour tout ce qui touche à la protection des données. Ensuite, l’Allemagne constituait, d’après les révélations d'Edward Snowden, une cible privilégiée avec 500 millions de données récupérées chaque mois par le programme Prism de l'Agence nationale de sécurité (NSA) américaine.

Ces révélations ont très rapidement mis le gouvernement allemand sous pression, et suscité de nombreuses questions. Que savaient les autorités allemandes, dont on connaît les traditionnelles et étroites relations avec les Etats-Unis ? Très vite, Angela Merkel a fait savoir qu’elle avait été informée par la presse, mais sa ligne de défense n’a pas convaincu les observateurs.

« La fin ne justifie pas les moyens »

La chancelière s'est en effet publiquement interrogée sur ce qu'il était possible de faire. « Nous travaillons ensemble avec les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme, a-t-elle résumé, mais la protection des données privées doit être garantie. Toutes les possibilités offertes par la technique ne doivent pas être autorisées. La fin ne justifie pas les moyens. Je me dois de garantir à nos concitoyens que le droit allemand et seulement lui s’applique dans notre pays. Mais ma fonction ne m’oblige pas à maîtriser tous les détails du programme Prism. »

L’opposition sociale-démocrate est rapidement montée au créneau. Elle a obtenu la création d’une commission d’enquête parlementaire pour tirer les choses au clair, mais aussi à l’approche des élections, pour mettre le gouvernement en difficulté.

Le challenger d’Angela Merkel, le social-démocrate Peer Steinbrück a même déclaré que la chancelière avait brisé son serment effectué en prenant ses fonctions, par lequel elle s’engageait à protéger le peuple allemand.

L'opposition sur le banc des accusés

La semaine dernière, pourtant, le gouvernement allemand, sur la défensive, a visiblement marqué un point.

En effet, un proche de Merkel chargé des services secrets a brandi un document montrant que son prédécesseur à ce poste, l’ancien ministre des Affaires étrangères social-démocrate Frank-Walter Steinmeier avait signé un accord avec les Etats-Unis en 2002. Un accord, qui, pour Michael Grosse-Brömer, un des responsables du parti chrétien-démocrate d’Angela Merkel, a posé les fondements d’une collaboration dénoncée avec véhémence par la gauche ces dernières semaines. L’opposition, désormais sur le banc des accusés, a rejeté ces accusations.

« La situation a radicalement changé depuis une dizaine d'années, s'est insurgé Peer Steinbrück le candidat social-démocrate à la chancellerie. La quantité et le contenu des informations aujourd’hui n’ont rien à voir. Des millions de données sont systématiquement espionnées. En Allemagne, les droits fondamentaux sont mis en cause de façon massive. Et le gouvernement ne répond pas à une question centrale : sommes-nous espionnés en Allemagne ou en Europe ? »

« Effet Téflon »

Ce qui est en tout cas frappant c’est que cette polémique reste sans conséquence pour la très populaire Angela Merkel.

Cet « effet Téflon » était illustré récemment dans une caricature montrant deux œufs sur le plat flanqués du logo NSA tomber, sans laisser de traces, d’une poêle où l'on reconnaissait le visage de la chancelière. Angela Merkel continue de battre des records de popularité et son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), est crédité de 40 % des voix dans les sondages.

« Angela Merkel a développé au cours des dernières années un style présidentiel, explique Thorsten Knuf, journaliste au quotidien Berliner Zeitung. Actuellement, elle se repose en vacances en montagne. Et à Berlin, ce sont ses ministres qui doivent gérer la crise. Angela Merkel est loin, loin, loin de tout. C’est pourquoi cette polémique ne l’atteint pas. »

Et puis, pour l’électeur moyen, tout le monde est en quelque sorte mouillé. Alors pourquoi sanctionner plus particulièrement Angela Merkel ?

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