Avec notre envoyé spécial permanent à Washington, Raphaël Reynes
Il y a eu des élections présidentielles américaines où la politique étrangère a joué un rôle important : en 1980, Jimmy Carter avait notamment perdu le scrutin à cause de la crise des otages américains en Iran. En 2004, George Bush avait à l’inverse profité du rassemblement national après les attentats du 11-Septembre.
Mais cette année ce n’est pas le cas. Lorsqu'on interroge les électeurs américains sur les questions qui les intéressent le plus, la politique étrangère des Etats-Unis arrive loin, très loin derrière l’économie, l’emploi, la fiscalité et l’éducation.
Pour Steven Ekovich, professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université américaine de Paris, Mitt Romney et Barack Obama vont donc continuer à faire ce qu’ils font depuis le premier débat : tenter de séduire les électeurs. « Chaque homme va essayer de se présenter comme quelqu’un de solide, équilibré, qui connaît le monde, qui est stable et posé, parce qu’on va juger aussi la personne. Surtout quand il s’agit de politique extérieure et de la sécurité des Américains, explique Steven Ekovich. Puisqu’on va parler de sécurité, on va voir dans l’homme même quelqu’un en qui on peut avoir confiance. Donc, je crois que sur ce plan-là aussi, ce qui est – disons – non verbal, la façon d’être, une certaine allure, une certaine façon de se présenter, va être aussi très très important, en parlant de sécurité. »
« Nous avons tué Ben Laden »
Ce lundi soir, il sera bien sûr question de la Libye et de l’attaque contre le consulat de Benghazi, dans laquelle l’ambassadeur américain Chris Stevens avait été tué. Mitt Romney reproche à son adversaire - et plus largement à l'administration Obama - d’avoir mené une politique dangereuse dans la région : « Il y a de quoi douter de la politique du président dans tout le Moyen-Orient », déclarait Mitt Romney la semaine dernière lors du débat à l'université Hofstra, dans l'Etat de New York. « Regardez ce qui se passe en Syrie, en Egypte et maintenant en Libye ! Regardez la distance entre nous et Israël. Le président a dit qu’il voulait faire passer la lumière du jour entre nous et Israël. »
Et Mitt Romney va donc tout faire pour attaquer le bilan de Barack Obama à l’étranger, pourtant considéré comme l’un des points forts de l’actuel président. Jeudi dernier, les deux hommes se sont retrouvés à New York, au dîner de gala organisé par une association caritative. Les deux candidats se sont exprimés avec humour, comme le veut la tradition dans ce genre d'événement. Mais Barack Obama n’a pas manqué de rappeler ce qui constitue probablement sa réussite la plus importante : « Le débat de ce lundi est un peu différent parce qu’il porte sur la politique étrangère », a déclaré l'actuel chef de l'Etat. « Attention, je dévoile un secret : nous avons tué Ben Laden. »
Et, quelques instants plus tard, l’actuel président ne s’est pas gêné pour attaquer le manque d’expérience internationale de son adversaire : « Bien sûr, les questions internationales sont difficile pour chaque candidat. Certains d’entre vous s’en souviennent : après mon voyage à l’étranger en 2008, j’avais été qualifié de «célébrité» parce que j’étais si populaire auprès de nos alliés étrangers. Je dois dire que je suis impressionné de la manière dont le gouverneur Romney a réussi à éviter ce problème. »
Au coude à coude
Humour de la part de Barack Obama... Mais l’actuel président est menacé dans les sondages.
Barack Obama et Mitt Romney sont au coude à coude, avec un léger avantage au candidat républicain sur le plan national. Mais ce n’est pas ce qui fait l’élection, le scrutin se jouera en fait dans moins d’une dizaine d’Etats-clés, les fameux « swing states » que sont notamment l’Ohio, la Virginie, la Floride et le Colorado.
Ce lundi soir, Barack Obama doit à la fois séduire les électeurs qui ne s’intéressent pas vraiment à l’actualité internationale et convaincre les autres qu’il possède une stratégie internationale, notamment à l’égard du Proche et du Moyen-Orient. Pour Mitt Romney, les choses seront encore plus délicates. Le candidat républicain doit définir une stratégie de politique étrangère, ce que son parti n’a pas réussi à faire, jusqu’à présent.
Et les sondages sont unanimes : lorsque Mitt Romney ne parle pas d’économie, il baisse dans les intentions de vote. En tout cas jusqu’à présent.