Les chercheurs avancent pas à pas vers une «pilule» masculine

Des chercheurs américains ont peut-être trouvé LA clé qui pourrait permettre aux hommes de disposer d’un moyen contraceptif efficace et réversible. Véritable croix et bannière des laboratoires, la mise au point d’une « pilule » pour homme, se heurte depuis des décennies à la complexité de la spermatogénèse.

Jusqu’à présent, les hommes souhaitant bénéficier d’une contraception ne disposaient que du bon vieux préservatif ou de la vasectomie, intervention difficilement réversible qui s’apparente d’ailleurs plus à une stérilisation. Les récents travaux dirigés par James Bradner de l’Institut du cancer Dana-Farber à Boston (Etats-Unis), ouvrent la voie à une vraie contraception masculine c’est-à-dire complète, réversible et sans influence sur la libido. 

Une molécule anticancer

Après plusieurs tentatives qui ont toutes débouché sur une impasse, l’astuce des chercheurs cette fois-ci a été de s’attaquer à une protéine BRDT jouant un rôle clé dans la fabrication des spermatozoïdes et qu’on trouve exclusivement dans le testicule. En inhibant cette protéine grâce à une petite molécule, la JQ1, les scientifiques sont parvenus à bloquer la production de spermatozoïdes chez la souris. Publié dans la revue médicale Cell, le protocole appliqué aux souris mâles a consisté à leur injecter quotidiennement de 50 à 100 mg/kg de JQ1 pendant six semaines. Cependant, les chercheurs précisent qu’une forme orale du médicament est possible.  

Ce traitement a permis d’obtenir un effet contraceptif complet chez les animaux traités. De plus, ces derniers ont conservé intact leurs comportements sexuels antérieurs ainsi que la fréquence de copulation. Cependant, les chercheurs ont noté une diminution du volume de leurs testicules. Une fois le traitement arrêté, la fertilité est revenue à son niveau normal au bout de trois à six mois, selon les doses reçues. Aucun effet secondaire sur les niveaux de testostérone n’a été observé, et quant à la progéniture des souris traitées, aucune anomalie n’a été relevée.

Elaborée à l’origine dans le cadre d’un traitement du cancer, la molécule JQ1 semble promise à un bel avenir y compris dans le domaine de l’oncologie, estime Martin Mazuk (Baylor College of Medecine, Houston) co-auteur de l’étude. Les tâtonnements qui président depuis des lustres à la mise au point d’une « pilule » pour homme sont peut-être sur le point d’aboutir après de multiples échecs.

Encore un peu de patience

Ces dernières décennies, plusieurs tentatives ont eu lieu dans de nombreux laboratoires pour trouver enfin un moyen sûr et simple de contraception chimique pour les hommes. Divers cocktails hormonaux ont été testés mais leur efficacité autant que leur complexité d’administration ont fait renoncer les plus déterminés. Sans compter le nombre d’hommes volontaires qui se sont retrouvés, bien dépités, avec une libido au quatrième sous-sol…

Des essais ont également eu lieu avec des plantes mais là encore, effets secondaires, toxicité et mauvaise maîtrise de la reprise de la spermatogénèse, ont conduit à abandonner la piste. Cependant, un travail mené en Ecosse, là aussi grâce à un gène, le Katnal1, à l’origine de la production de spermatozoïdes « sains » capables de féconder un ovule, ouvre la voie en parallèle du JQ1 à la contraception masculine du futur.

Bien loin des annonces triomphales de la dernière décennie qui laissaient entrevoir le contraceptif masculin « miracle » pour demain, les spécialistes s’empressent maintenant de préciser que les traitements issus des travaux les plus prometteurs, ceux autour du JQ1 ou du Katnal1, ne seront pas disponibles avant quelques années. Et encore, si les recherches sont confirmées et validées.

Reste encore, une fois ces étapes franchies, à convaincre les hommes de se mettre à la pilule et là, ce n’est pas gagné non plus même s’ils sont maintenant plus enclins à vouloir partager  la contraception. Les femmes auront aussi leur mot à dire et il n’est pas davantage certain qu’elles consentent à s’en remettre à leur partenaire pour cette question. Mais quoi qu’il en soit, une autre façon de penser le problème se dessine et chacun dispose encore de quelques années pour se faire sa religion.     

 

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