Les républicains se montrent plus déterminés que jamais : quelque soit la décision de la Cour suprême, ils poursuivront leur croisade contre la réforme de la santé. Ce mercredi, les députés républicains à la Chambre des représentants voteront pour l’abrogation de la loi. Cette initiative, la 31e de son genre, n’a aucune chance d’aboutir. Parce que les républicains sont certes majoritaires à la Chambre des représentants, mais pas au Sénat, où les démocrates s’opposeront évidemment à toute attaque menée contre la réforme de Barack Obama.
Mais en pleine précampagne présidentielle, la priorité n’est pas au pragmatisme. C’est le symbole qui compte. « Les républicains se lancent dans ce vote pour la même raison qu’on allait jadis à la messe le dimanche », estime Dick Howard, professeur en philosophie politique à la Stony Brook State University de New York. « C’est l’affirmation d'une foi commune. Il s’agit de rallier les troupes, de faire acte d'unité ».
La position délicate de Mitt Romney face à la réforme de la santé
A peine la Cour suprême avait-elle annoncé sa décision de déclarer la réforme de la santé de Barack Obama conforme à la Constitution américaine, le 28 juin dernier, que Mitt Romney s’était posté devant une véritable forêt de microphones et de caméras de télévisions. Son objectif : faire de la loi un argument de campagne contre le président sortant : « C'est le moment pour les Américains de choisir », avait lancé le candidat républicain. « Si nous voulons nous débarrasser de la loi d'Obama, il faut remplacer le président Obama. Je demande donc au peuple américain de se joindre à moi. Aidez-nous à combattre Obamacare. Si je suis élu président j’abolirais ce texte dès mon premier jour à la Maison blanche ».
Cette promesse de campagne comporte pourtant un risque non négligeable pour Mitt Romney. « En 2006, en tant que gouverneur du Massachussetts, il avait signé une loi d’Etat qui est très semblable à la réforme Obama et qui en fait l’a inspiré. De faire de l’abrogation de cette réforme un thème central de sa campagne, peut se retourner contre le candidat républicain », souligne Evelyne Thévenard, maître de conférences en civilisation américaine à l'université Paris IV, et spécialiste de la réforme de la santé.
« Le gouvernement n’a pas le droit de nous mettre le pistolet sur la tempe » : l’aile droite des républicains veut continuer le combat contre Obamacare
Mais Mitt Romney doit tenir compte de la base de son électorat, de la base de son parti.
« Les républicains ont dans leurs rangs des radicaux qui sont littéralement obsédés par la réforme de la santé », explique Françoise Costes. « Leur influence est énorme. Ils constituent la base militante du parti. C’est cette base qui fait du porte-à-porte pendant la campagne, c’est cette base qui vote ». Pour cette spécialiste de la politique intérieure américaine, il risque d’y avoir des tensions importantes entre la base et le sommet du Parti républicain qui se cristalliseront justement autour de la question de la réforme de santé. « Les ultraconservateurs ne se posent pas la question de savoir si ce sujet peut éventuellement nuire leur candidat. La réforme de la santé devient un véritable nid d’abeille pour le Parti républicain ».
Susan Meyers, militante de la ville d'Atlanta, est issue justement de cette base conservatrice. « Une grande majorité d'Américains est opposée à cette loi parce qu'elle empiète sur la liberté individuelle », souligne cette quadragénaire, membre d’un groupe de réflexion sur le système de santé au sein du Parti républicain. « Les Américains ne veulent pas que le gouvernement les oblige à souscrire une assurance maladie. Ils estiment que cette décision leur appartient. Nous croyons en la liberté individuelle et en la responsabilité de tout un chacun. Jamais, le gouvernement ne devrait vous mettre le pistolet sur la tempe pour vous obliger de faire quelque chose contre votre volonté. Les Américains n'aiment pas un gouvernement intrusif et ils voient en cette réforme justement une effrayante expansion du pouvoir fédéral ».
Après la validation constitutionnelle de la loi, Barack Obama voudrait changer de sujet
Selon les derniers sondages, 56% des Américains se disent toujours opposés à la réforme de la santé. « Ce qui n’est pas étonnant, puisque la loi n’entrera en vigueur dans sa totalité qu’en 2014 et que les Américains ne voient donc pas encore les bénéfices potentiels qu’ils pourraient en tirer », analyse Dick Howard.
Le scepticisme de ces concitoyens explique probablement aussi, pourquoi Barack Obama a choisi de ne pas s'éternisé sur sa victoire devant la Cour suprême mais a recentré sa campagne sur les autres grands thématiques du moment, à savoir : la crise économique, la création d'emplois et la justice fiscale.
Si les démocrates voudraient bien tourner la page, ils pourraient néanmoins se voir obligés de réagir à la campagne virulente des républicains, surtout quand il s’agit de convaincre les fameux « swing voters », ces électeurs, qui votent tantôt républicain, tantôt démocrate. « La plupart des Américains se sont déjà forgés une opinion sur la loi de la santé et ils ne changeront plus d’avis. Maintenant il s’agit donc de convaincre les indécis, puisque c’est de leur vote que tout dépend », fait remarquer Evelyne Thévenard. « Le flot de publicité négative du Tea Party et d’autres groupes conservateurs réussira t-il à persuader les électeurs indépendants ? Ou bien, les démocrates et le président trouveront-ils enfin la pédagogie adéquate pour expliquer leur réforme aux Américains et à les rallier à leur position », se demande l’universitaire qui conclut : « Pour les deux candidats c'est en tout cas un pari très risqué que de faire de cette réforme de la santé ou de l'abrogation de la réforme de la santé un enjeu central des élections ».