Le Pakistan pourrait rouvrir la route au ravitaillement de l'Otan en Afghanistan

L’Otan se réunit lundi 21 et mardi 22 mai 2012 à Chicago pour ce qui est annoncé comme le plus grand sommet de l’histoire de l’Alliance atlantique, avec une cinquantaine de pays invités. C’est le Pakistan qui a reçu son carton en dernier, ce lundi 14 mai, après avoir laissé entendre qu’il pourrait à nouveau ouvrir ses frontières pour laisser passer les camions de ravitaillement de l’Otan vers Afghanistan.

En novembre dernier, l’Isaf, la Force internationale d'assistance et de sécurité, avait bombardé par erreur un poste-frontière pakistanais, tuant 24 soldats. Islamabad avait alors pris des mesures de rétorsion, fermant les deux points de passage entre son territoire et l’Afghanistan - le Baloutchistan au sud et la passe de Khyber au nord-ouest - pour bloquer les camions de ravitaillement de la Force internationale en Afghanistan.

Depuis, l’Isaf fait passer essence et logistique par le nord, la Russie et l'Asie centrale, ou par le Caucase, au départ de la Géorgie – elle les fait aussi venir par avion. Tout cela est plus long, plus compliqué, et surtout plus cher.

Depuis six mois, le Pakistan demande des excuses pour le 26 novembre 2011. Mais jusqu’ici, il n’a eu que des « regrets », l’enquête conjointe de l’Otan et des Américains, rejetée par Islamabad, ayant conclu à des responsabilités partagées.

Le Pakistan demande aussi l’arrêt de l’utilisation de drones sur son territoire pour tuer des talibans ou des membres d’al-Qaïda – une méthode contre-productive selon eux, qui viole la souveraineté pakistanaise, tue des civils et alimente le sentiment anti-américain dans le pays. Là encore, échec : les américains affirmaient encore il y a deux semaines que ces attaques étaient « légales ».

Des gages de bonne volonté

Le blocus dure donc depuis six mois. Mais le sommet de Chicago, qui sera largement consacré à l’Afghanistan, semble avoir fait évoluer la situation : les négociateurs pakistanais ont été chargés ce mercredi 16 mai 2012 d’arriver « le plus vite possible » à un accord. En fait, depuis le week-end dernier, ils discutent à Islamabad avec les négociateurs américains sur de nouveaux tarifs douaniers (jusqu’à l’an dernier, l’Isaf payait 160 dollars par container, on serait aujourd’hui plus proches, 320, voire 500 dollars).

L’accélération s’est aussi fait sentir sur un plan plus politique : pour la première fois depuis presque un an, les trois généraux responsables des armées pakistanaises, afghanes et de l’Isaf se sont rencontrés dimanche à Rawalpindi, la ville-garnison située près d’Islamabad, pour parler sécurité à la frontière, et sur les mesures à adopter pour éviter les « tirs amis ».

Et pour que les choses soient bien claires, dès ce lundi, le ministre des Affaires étrangères pakistanais Hinna Rabbani Khar a affirmé que maintenant, « il faut avancer », certifiant que la relation américano-pakistanaise se dirige vers « une zone positive ». Et ce n’est qu’après ces gages de bonne volonté que le secrétaire général de l’Otan Anders Fogh Rasmussen a téléphoné au président Asif Ali Zardari pour l’inviter au sommet.

Chicago, le sommet où il faut être

Certes, si le Pakistan veut trouver une solution, c’est qu’il souffre lui aussi de la situation : le blocus empêche le port de Karachi, dans le sud, de profiter de tous ces bateaux amenant pétrole et logistique pour l’Isaf. Washington a aussi suspendu entre 1 et 3 milliards de dollars d'aide militaire promises à Islamabad - qui a bien besoin de remplir ses coffres en cette année électorale.

Mais l’objectif est surtout de « rester dans la boucle » sur le dossier Afghan : l’Isaf doit quitter le pays en 2014, et depuis quelques mois, les tentatives de négociations entre talibans, Afghans et Américains s’accélèrent. Pas question pour le Pakistan d’être mis à l’écart.

En décembre, Islamabad avait boycotté le sommet de Bonn pour protester contre la mort de ses soldats. Il sera à Chicago cette fois-ci, avec un président Zardari qui utilisera certainement cette question de la réouverture des frontières pour faire pression sur ses alliés, car si les négociations s’accélèrent, rien n’a encore été acté.

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