« Pour moi, à titre personnel, il est important de dire que je pense que les couples du même sexe devraient pouvoir se marier ». L’entretien avec la chaîne de télévision ABC a été spécifiquement concocté afin de donner au président des Etats-Unis l’occasion de dire cette phrase. Depuis dimanche dernier, journalistes, analystes, observateurs et avec eux, l’opinion publique américaine, attendaient le positionnement de Barack Obama sur la question du mariage gay. Le président était sous pression après que son numéro deux, Joe Biden, avait déclaré à la presse qu’il était favorable au mariage entre deux personnes du même sexe.
Après des années d’ambiguïté, Barack Obama a finalement apporté son soutien personnel aux couples gays et lesbiennes qui souhaitent s’unir par les liens du mariage. « J’étais hésitant à propos du mariage gay, notamment parce que je pensais que les contrats d’union civile seraient suffisants, qu’ils conféreraient aux gens le droit aux visites à l’hôpital, et toutes ces choses qui pour nous sont acquises. J’étais sensible au fait que pour beaucoup, le mot mariage évoque des traditions très ancrées, des croyances religieuses, etc ».
Cheminement personnel
Le président a souligné que son état d’esprit sur la question a évolué, notamment en « parlant à des amis, à ma famille, à des voisins. En pensant aux membres de mon équipe qui sont totalement engagés dans leur relation homosexuelle, qui élèvent des enfants ensemble », en pensant aussi « à tous ces soldats qui se battent en mon nom et qui se sentent prisonniers parce qu’ils ne peuvent pas s’engager dans un mariage ».
En dévoilant ainsi son cheminement personnel sur l’un des sujets les plus sensibles de la société américaine, Barack Obama fait preuve d’une grande habilité politique. Il compte servir d’exemple pour faire évoluer les mentalités. Entre les lignes, son message est simple : « Comme beaucoup d’entre vous, j’ai eu des doutes sur le mariage gay. Mais j’ai changé d’avis ».
« Un tournant majeur pour les droits civiques »
La déclaration de Barack Obama a été saluée unanimement par les associations de défense des homosexuels. « C’est un tournant majeur dans l’histoire américaine des droits civiques », a également souligné Michael Bloomberg, le maire indépendant de New York, dont la ville fait partie de l’un des six Etats du pays à reconnaître le mariage homosexuel.
La réponse de Mitt Romney, qui sera selon toute vraisemblance l’adversaire républicain de Barack Obama à l’élection présidentielle en novembre, ne s’est pas fait attendre : « Je pense que le mariage est une relation entre un homme et une femme », a déclaré l’ancien gouverneur du Massachussetts.
Risque politique
A six mois de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, le président sortant prend un risque considérable en se déclarant officiellement en faveur du mariage homosexuel. Les sondages laissent certes entendre que les mentalités changent, mais le sujet divise toujours la société américaine. Dans un sondage Gallup, publié cette semaine, 50% des personnes interrogées se disaient favorables au mariage homosexuel, 48% étaient contre. Parmi les opposants au mariage gay ne se trouvent pas seulement les électeurs républicains et les chrétiens conservateurs. La communauté afro-américaine aussi est en grande majorité contre le mariage de personnes du même sexe. Barack Obama a pourtant besoin de l’électorat noir pour pouvoir assurer sa réélection.
Mais la prise de position du président en faveur des homosexuels risque avant tout de renforcer son probable adversaire, Mitt Romney, qui jusqu’ici recherchait une légitimité auprès de la branche la plus conservatrice du parti républicain : « Cette annonce garantit que le mariage sera de nouveau un sujet central dans l’élection présidentielle », a commenté Tony Perkins, président du Family Research Council, une organisation chrétienne conservatrice. « Le président vient peut-être de remettre à Mitt Romney les clefs de l’électorat conservateur ».