Avec notre correspondant à La Paz, Reza Nourmamode
Même à près de 10 000 kilomètres de Copenhague, Claus Meyer est dans son élément lorsqu’il visite un marché populaire en plein centre-ville de La Paz.
Au milieu des étals, il s’émerveille devant la diversité des variétés de pommes de terre. S’il avoue avoir apprécié quelques plats locaux, comme la traditionnelle soupe de cacahuètes, le chef du Noma, élu meilleur restaurant du monde en 2010 et 2011, est tout de même resté sur sa faim après avoir goûté à la gastronomie bolivienne : « Jusqu'à présent, il n'y a pas une seule chose que j'ai goûtée ici qui m'a vraiment séduit mais quand je vois la matière première, quand je goûte les fruits et les légumes, je m'imagine quel plat fantastique on peut créer avec. C'est ce décalage entre la valeur de la matière première et le manque de savoir faire, l'absence d'innovation des cuisiniers qui m' intéresse ».
Avec son projet, Claus Meyer espère bien avoir une répercussion au-delà du simple domaine de la cuisine. Objectif avoué : imiter le Pérou voisin où le secteur gastronomique représente aujourd’hui 4% du PIB.
« Au Pérou, il y a eu 66 000 restaurants créés ces dernières années où la valeur de l'exportation des produits agro-alimentaires a augmenté jusqu'à 2 milliards de dollars par an. C'est un impact immense pour l'économie et la société péruvienne (*). Notre projet en Bolivie n'est pas seulement de créer un restaurant qui, un jour, comptera parmi les 200 meilleurs restaurants du monde, une boulangerie fantastique et un bistrot qui touche les coeurs des gens, c'est aussi initier un mouvement pour une cuisine bolivienne qui va ébranler le monde et qui va donner un coup de pouce à la croissance économique du pays.»
En attendant, la fondation Melting Pot, créée par Claus Meyer et l’ONG danoise IBIS, commence à travailler avec des acteurs locaux. Parmi eux, Jorge Irriarte, un chef bolivien particulièrement séduit par le projet de l’école de cuisine dont les élèves seront issus de milieux défavorisés. « L’aspect social du projet m'a beaucoup intéressé, confie-t-il, Que des jeunes avec de faibles ressources économiques aient l’opportunité d’améliorer leur niveau de vie.... Car aujourd’hui, le coût de cette formation, qui dure trois ans, rend impossible le fait que ces jeunes se forment professionnellement.»
Le restaurant gastronomique et l’école de cuisine devraient ouvrir leurs portes en juin prochain, date annoncée du début de la révolution culinaire bolivienne.
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(*) Le Pérou est leader mondial dans l'exportation de la canne à sucre, des asperges, du café et des bananes bio. Il occupe le 7e rang mondial dans la production agro-alimentaire bio.