Barack Obama en Indonésie: priorité à l'économie

Poursuivant sa tournée asiatique, Barack Obama arrive ce mardi 9 novembre 2010 en Indonésie, pays dans lequel il a vécu quelques années de son enfance et qui attend depuis des mois une visite déjà reportée par deux fois. Le discours en plein air qu'il doit y prononcer mercredi sera-t-il dans la continuité de celui du Caire sur l'Islam? Vraisemblablement pas.

Lors de son séjour en Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde, le président américain a prévu de donner des gages à l'islam local. Il se rendra mercredi dans la plus grande mosquée de Jakarta, puis il fera un discours qualifié d'important par son entourage. En sachant que l'islam modéré et tolérant pratiqué en Indonésie se prête à l'éloge religieux et démocratique, et qu'en tant que chef d'Etat engagé dans la lutte contre le terrorisme, Barack Obama a sans doute envie de s'adresser au pays où il vécut quatre ans.

Car en 1945, « à l'inverse de l'Inde et du Pakistan qui ont connu la partition, l'Indonésie a fait le choix d'une société multiconfessionnelle », rappelle Andrée Feillard, professeur à l'INALCO. Elle a « inclus ses minorités chrétiennes, hindouistes et bouddhistes dans le nouvel Etat », et son esprit de tolérance, sa « volonté de coexistence pacifique avec ses minorités non-musulmanes », sont « assez exceptionnels ».

Le discours de Jakarta va-t-il ressembler à celui du Caire ? C'est en tout cas le précédent qui vient à l'esprit. Le 4 juin 2009, Barack Obama, encore tout auréolé de son élection historique, avait plaidé pour un « nouveau commencement » dans les relations entre les Etats-Unis et le monde musulman. Sans que ses bonnes intentions aient véritablement été suivies d'effets. Comme le souligne l'anthropologue Malek Chebel, traducteur du Coran aux éditions Fayard, « le problème le plus aigu, qui est celui du conflit israélo-palestinien, n'a pas bougé d'un iota ».

L'économie avant la nostalgie

Malek Chebel doute que Barack Obama se lance dans un nouveau « discours du Caire », tant les contextes sont différents. « Il n'y a plus la dimension d'une rupture avec l'ère Bush, ni la nécessité de pacifier des rapports qui pouvaient être troublés auparavant ». La tonalité du discours de Jakarta devrait être « plus économique, plus stratégique, et marquer la reprise en main de tous les intérêts américains dans le monde, y compris dans le monde musulman », loin de la démarche du Caire « plus philosophique et diplomatique ».

Et puis, Barack Obama vient d'essuyer un grave revers électoral : il a perdu la semaine dernière sa majorité à la chambre des Représentants. Et l'accent mis sur l'économie, de la part d'un responsable qui « a toujours considéré l'Asie comme l'endroit approprié pour l'avenir des Etats-Unis, et non pas l'Europe », est de nature à « lui faire regagner le terrain perdu dans l'opinion », estime Mokhtar Ben Barka, professeur de civilisation américaine à l'Université de Valenciennes. Des références trop appuyées à l'Islam seraient au contraire « contre-productives », ajoute cet enseignant, puisqu'elles « accréditeraient l'idée qu'il est quelque part musulman... » alors qu'un sentiment de méfiance envers l'Islam, voire de rejet, est apparu récemment chez un certain nombre d'Américains, comme l'a notamment montré l'affaire de la mosquée de New York.

Si le président renouvelle son geste de main tendue à l'Islam, ce sera sur un ton moins flamboyant, car le président doit aujourd'hui prouver à ses propres électeurs que sa priorité est de créer des emplois. L'heure est au pragmatisme économique, non aux ambitions diplomatiques planétaires, encore moins à la nostalgie personnelle. D'ailleurs « Barry », comme l'appelaient ses anciens camarades de classe indonésiens, ne s'attardera pas dans le pays de son enfance : il y passera moins de 24 heures, avant de se diriger vers la Corée du Sud et le sommet du G20.

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