Importante purge dans la fonction publique cubaine

Cuba s'apprête à supprimer 500 000 emplois dans le secteur public d'ici mars 2011. Information donnée par la Centrale des travailleurs, le syndicat unique. La publication de ce programme de licenciements, qui fait suite à l'annonce en avril dernier par Raul Castro d'une purge globale encore plus importante dans la fonction publique cubaine, est un nouveau pas vers les « ajustements » promis dans le système communiste de l'île.

Les Cubains travaillent dans leur immense majorité pour l'Etat : ils sont plus de quatre millions de fonctionnaires, pour une force de travail totale inférieure à 5 millions d'actifs. Une telle inflation du secteur public s'accompagne d'un rendement très faible, et le régime, plombé par la crise économique, n'a plus les moyens d'entretenir un contingent de fonctionnaires désoeuvrés que Raul Castro lui-même a évalué à plus d'un million de personnes, soit un sur quatre! Ces employés de l'Etat en surnombre se voyaient jusqu'à maintenant proposer de confortables solutions alternatives : rester à la maison avec 60% du salaire, ou encore entamer un cycle d'études en conservant les mêmes gages.

C'est dans ce système plutôt traditionnel des régimes communistes, où les salaires sont très bas mais où la classe ouvrière vit avec la fiction du plein emploi, que Raul Castro veut ouvrir des brèches. L'annonce de 500.000 licenciements en six mois, d'ici que les entreprises d'Etat fassent leur propre bilan à cet égard et en tirent les conséquences, est cependant le premier calendrier concret donné par le régime. Manuel Cuesta Morua, porte-parole de l'organisation dissidente Arco Progresista, déplore la méthode. «Avec cette mesure, Cuba raccroche le dernier wagon du train néolibéral où l'on licencie à tout va. Ils appellent cela réduction des effectifs, ce qui devrait impliquer aussi parallèlement une restructuration de l'économie. Le problème, c'est que c'est justement ce qui manque : la restructuration de l'économie».

Oscar Espinosa, économiste d'opposition qui compte au nombre des victimes de la vague de répression de 2003, est sur la même position : «Ceci pourrait fonctionner s'il y avait une véritable réforme. Cuba dispose de beaucoup de réserves productives non exploitées, à cause de l'inefficacité de l'Etat. Mais je doute qu'il y ait les réformes radicales suffisantes, celles dont le pays a besoin, et que les mesures prises soient appropriées».

Comme le redoute Oscar Espinosa, il faut anticiper une deuxième vague de licenciements plus tardive, vraisemblablement d'une ampleur au moins comparable, si l'on tient compte des chiffres avancés par le président cubain. Or l'île ne serait pas prête à absorber tant de chômeurs, en l'absence d'une réorganisation profonde des structures économiques. Pour répondre à cette objection majeure, le pouvoir assure qu'il va ouvrir les portes de l'emploi privé et coopératif, une possibilité pour l'instant restreinte à un tout petit nombre de professions.

Expérimentations limitées

Depuis quelques années, en effet, et tout particulièrement depuis l'arrivée de Raul Castro au sommet de l'Etat à la suite des graves ennuis de santé de son frère, le gouvernement castriste se livre à quelques expérimentations limitées sur un corps social qui, à en croire les témoignages, s'est vidé d'une bonne partie de son sang neuf, tenté par l'exil. A La Havane, les petits salons de coiffure peuvent désormais s'établir à leur compte, à condition de payer un impôt à l'Etat. De même, certains taxis peuvent exploiter le véhicule octroyé par l'Etat en échange d'une redevance (les défaillances des transports publics constituent un problème structurel de la société cubaine). Enfin, des paysans ont été incités à exploiter de petits lots, de façon à mettre en valeur les nombreuses jachères qui font que Cuba est obligé d'importer une bonne partie des denrées alimentaires nécessaires à la population.

L'ensemble de ces initiatives, qui occupent moins d'un demi-million de personnes, devraient être désormais élargies, notamment dans le secteur des services, à tous ceux qui n'émargeront plus directement au budget de l'Etat, grâce à la nouvelle législation prévue en octobre. Mais beaucoup doutent de la capacité d'un régime attaché à ses privilèges à inoculer aux Cubains le virus de la création d'entreprise. Il y a déjà plus de quarante ans que Fidel Castro, par un décret de 1968, a aboli à Cuba les commerces et les industries privés. Et rien ne prouve qu'il regrette véritablement sa décision de l'époque ; il est en effet revenu sur la confidence qu'il aurait laissé échapper récemment devant un journaliste américain, lequel lui faisait dire que le modèle économique cubain ne fonctionnait plus. Un simple malentendu, dit-il aujourd'hui.

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